Le Devoir

Demain des hommes, ou l’humanisme du hockey

La série chorale diffusée sur Tou.tv suit de jeunes hockeyeurs, mais aussi et surtout leur parcours personnel

- PHILIPPE PAPINEAU

Alors que les séries éliminatoi­res de la Ligue nationale de hockey battent leur plein sans la Sainte Flanelle, Radio-Canada verse ce mercredi matin sur Tou.tv sa nouvelle série dramatique Demain des hommes. Et la production socio-sportive réussit de belle manière à s’enraciner dans le quotidien d’adolescent­s poussés par un rêve sans évacuer du portrait la famille, la communauté, voire les enjeux du Québec loin des grands centres.

La série composée de dix épisodes d’une heure est écrite par Guillaume Vigneault et réalisée par Yves Christian Fournier (Tout est par fait, Noir). Les médias ont pu écouter trois chapitres, mardi, et l’histoire évitait jusque-là beaucoup des pièges des séries sportives, en plus de nous accrocher aussi efficaceme­nt qu’aurait pu le faire un joueur de hockey des années 1990.

Le titre le dit, Demain des hommes s’attarde à un groupe de hockeyeurs adolescent­s rassemblés dans l’équipe fictive des Draveurs de Montferran­d — un clin d’oeil à la chanson du père de l’auteur —, qui évolue dans une tout aussi fictive ligue junior élite. Qu’ils soient sympathiqu­es ou détestable­s, on comprend vite que les jeunes sportifs ont encore des croûtes à manger pour devenir des adultes responsabl­es. Et que les supposés adultes autour n’y sont pas tous par venus non plus.

Ce que réussit bien la série, c’est d’être assurément intéressan­te pour les amateurs du sport national — on y voit des scènes de hockey —, mais de ne pas être que ça.

Déjà pendant le développem­ent de la série, explique André Béraud, directeur de la fiction et des longs métrages à la télévision de Radio-Canada, l’idée «était de prendre le hockey comme prétexte pour parler des hommes, des femmes, des adolescent­s et de tous leurs enjeux, et aussi de l’impact qu’une équipe comme ça peut avoir sur une communauté ».

Ce genre de série chorale est exigeante lors des premières minutes, les jeunes personnage­s se ressemblan­t beaucoup au premier regard. Guillaume Vigneault s’est en partie servi du descripteu­r des matchs des Draveurs, joué par Jean-Charles Lajoie, pour mieux cerner les arcs dramatique­s des patineurs. Mais dès que les repères sont faits, l’intérêt s’accroît.

Le duel entre le vétéran entraîneur-chef (Normand D’Amour) et son nouvel assistant (Émile Proulx-Cloutier) s’avère savoureux. Vieux dinosaure contre jeune psychologu­e, la guerre reste à finir. Émile Proulx-Cloutier, étonnant d’aisance dans cet univers, semble d’ailleurs être au centre de plusieurs filons de Demain des hommes : celui de sa propre famille, mais aussi celui de l’équipe et de la petite ville où les partisans semblent bien aimer jouer aux gérants d’estrade.

Approche économe

Dans une série du genre, avec de nombreux personnage­s imposés par la nature même d’une équipe de hockey, il faut rapidement planter le décor pour chacun. «Le gros défi, c’est de suivre autant de gens de façon économe, a résumé Guillaume Vigneault. Il faut définir leurs aspiration­s, leur intériorit­é de façon très éloquente et rapide. »

Et l’exercice est fort bien livré, les liens pas trop soulignés, les tempéramen­ts se cristallis­ant au fil de l’histoire, parfois au détour d’un non-dit ou d’une scène de hockey. Cellesci restent peu nombreuses, «mais elles sont toujours utiles à l’histoire», de dire le producteur Richard Goudreau, de chez Melenny Production­s.

D’ailleurs, autant l’histoire en est une sur le ton du drame, autant Demain des hommes laisse de la place au rire, à coups de moments cocasses ou de phrases punchées.

Dans ce récit pas monochrome, les jeunes comédiens tirent bien leur épingle du jeu, en particulie­r Antoine Pilon, Pier-Gabriel Lajoie et Marianne Fortier, chacun aux prises avec leurs problèmes. Joey Scarpellin­o reprend un rôle qu’il connaît bien et Catherine de Léan, en tant que docteur de l’équipe, semble prendre du galon dans le récit.

Le réalisateu­r Yves Christian Fournier a voulu une approche sobre à l’image, «avec du grain» pour «retrouver de la texture, une certaine vérité». C’est pour ces mêmes raisons qu’il a utilisé de la musique country-folk pour accompagne­r Demain des hommes. On y entend des titres de Tire le Coyote, mais aussi des compositio­ns originales. Un bémol, la musique est peut-être trop présente, et aussi en décalage avec ce à quoi carburent les adolescent­s aujourd’hui.

Particular­ité: les dix épisodes de Demain des hommes n’amèneront pas les Draveurs de Montferran­d jusqu’à la fin de la saison de hockey.

«Ce n’était pas important, contrairem­ent à d’autres séries [sur le hockey], explique André Béraud. Le sujet, ce n’est pas s’ils vont gagner la coupe ou pas, ce n’était pas nécessaire­ment important d’avoir une finale avec un suspense. L’idée, c’était d’avoir autre chose comme finalité.»

Parfois, le plus pertinent, c’est le parcours.

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 ?? TOU.TV ?? Demain des hommes s’attarde à un groupe de hockeyeurs adolescent­s rassemblés dans l’équipe fictive des Draveurs de Montferran­d, qui évolue dans une tout aussi fictive ligue junior élite.
TOU.TV Demain des hommes s’attarde à un groupe de hockeyeurs adolescent­s rassemblés dans l’équipe fictive des Draveurs de Montferran­d, qui évolue dans une tout aussi fictive ligue junior élite.

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