Le Devoir

La Chine prend la première place mondiale

La part du marché de l’empire du Milieu a atteint 29 % en 2017

- DANIEL ARONSSOHN à Paris JULIEN GIRAULT à Pékin

La Chine, qui accueille l’industrie automobile mondiale au salon de Pékin à partir de mercredi, est en train de s’imposer comme la première puissance du secteur et le pays où s’invente la voiture autonome et connectée du futur.

En février, le constructe­ur chinois Geely, déjà propriétai­re du suédois Volvo, est devenu à la surprise générale premier actionnair­e de l’allemand Daimler (maison mère de Mercedes-Benz), leader mondial du haut de gamme et monument de l’histoire automobile. La prise de près de 10% du capital symbolise une montée en puissance.

«La Chine est en train de prendre le leadership mondial de l’industrie automobile et va distancer l’Europe et l’Amérique», estime Ferdinand Dudenhöffe­r, directeur du Center Automotive Research (CAR), basé en Allemagne. L’atout le plus évident de l’empire du Milieu est la taille de son marché, le premier mondial, de très loin, avec un écart qui continue de se creuser vis-à-vis des États-Unis, relégués au deuxième rang.

En l’an 2000, le marché chinois était embryonnai­re, avec à peine plus de 1% des ventes mondiales de voitures neuves. En 2017, sa part est passée à près de 29% et elle augmentera à plus d’un tiers des ventes dans les années à venir, selon CAR. Dans le même temps, la part des États-Unis est passée de 35% à 20%, avec une prévision à 16 % en 2025.

Avec 28,9 millions de véhicules vendus l’an dernier, et une croissance toujours soutenue, la Chine devrait bientôt peser autant que les États-Unis et l’Union européenne réunis !

Affronter la concurrenc­e

Le géant asiatique a rapidement développé son industrie en accueillan­t les investisse­ments des constructe­urs étrangers, tout en les contraigna­nt à coopérer avec des acteurs locaux au sein de sociétés communes dont ils ne pouvaient détenir plus de 50%. Pékin vient d’annoncer la fin progressiv­e de ce carcan, le signe que le pays est désormais assez fort pour affronter la concurrenc­e étrangère. Les marques locales chinoises gagnent déjà des parts de marché sur leur marché intérieur. Elles s’apprêtent à partir à la conquête du monde.

« D’ici à 2025, nous allons vivre avec les constructe­urs chinois ce que nous avons déjà connu avec les Coréens», leur arrivée sur les marchés américains et européens, «mais encore plus massive, avec des véhicules de qualité, des voitures électrique­s», prévoit M. Dudenhöffe­r.

Outre ses grands constructe­urs comme SAIC, partenaire de Volkswagen et General Motors, ou Dongfeng, partenaire notamment de Renault, Nissan ou PSA (dont il est premier actionnair­e), la Chine compte un vivier de jeunes entreprise­s automobile­s, comme Lynk & Co, NIO ou FMC. Déjà en tête dans les véhicules électrique­s, «la Chine veut devenir le leader mondial dans les technologi­es de transport du XXIe siècle, y compris les véhicules connectés et autonomes […]. Elle pense le devenir d’ici cinq à dix ans», explique Bill Russo, directeur du cabinet Gao Feng Advisory.

Technologi­quement avancée

Le pays n’a rien à envier aux États-Unis en matière d’entreprise­s innovantes: Baidu, Tencent ou Alibaba dans l’Internet, Catl, premier fabricant mondial de batteries, Huawei, leader des télécommun­ications, Didi, le «Uber» chinois…

La Chine fait la course en tête dans le déploiemen­t de la 5G,

l’Internet mobile ultrarapid­e, une technologi­e clé pour la voiture du futur, selon une étude de l’associatio­n américaine des opérateurs de télécommun­ications. Les Chinois ont « à la fois des mastodonte­s de la production automobile et des géants des hautes technologi­es», relève Guillaume Crunelle, responsabl­e automobile chez Deloitte. Leur écosystème est même « meilleur que celui de la Silicon Valley », juge M. Dudenhöffe­r, selon qui les procès autour des accidents de véhicules autonomes aux États-Unis vont y freiner l’innovation au moment où la Chine accélère. Pour lui, l’Europe est déjà décrochée…

Il souligne les investisse­ments massifs consentis par l’État chinois dans les université­s et la recherche, avec une volonté politique claire. La Chine est un pays «où il faut être», confirme Guillaume Devauchell­e, directeur de l’innovation chez l’équipement­ier français Valeo. «C’est un pays qui a une taille suffisante pour créer des standards de fait». Il cite l’exemple d’une réglementa­tion « astucieuse » : des subvention­s publiques accordées aux voitures ayant 100 km d’autonomie et atteignant 100 km/h qui «permettent le déploiemen­t rapide de véhicules électrique­s très peu coûteux ».

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NICOLAS ASFOURI AGENCE FRANCE-PRESSE Le salon de l’auto de Pékin commence mercredi.

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