La mezzo-soprano québécoise Huguette Tourangeau s’est éteinte
Sa renommée d’enseignante deviendra aussi grande que celle de l’interprète
Huguette Tourangeau, qui fut l’une des grandes voix de l’opéra au Québec et dans le monde, qui chanta notamment aux côtés des Pavarotti, Dame Joan Sutherland, Plácido Domingo et Dame Kiri Te Kanawa, n’est plus. La nouvelle nous est parvenue par un neveu, en l’occurrence le journaliste Yves Desautels. L’aurait-on su autrement? C’est le lot d’interprètes dont la fin de carrière, si remarquable la carrière soit-elle, remonte à si loin que les mémoires sont peau de chagrin. «Le monde de l’opéra a perdu Mme Tourangeau en 1980 lorsqu’elle a quitté la scène, pour des raisons de santé», écrivait Wah Keung Chan dans La Scena Musicale en 2010, neuf ans après son dernier enregistrement chez Decca, El amor brujo de Falla, où elle chantait avec l’OSM, alors dirigé par Charles Dutoit.
Les détails de son décès, à l’âge de 77 ans, ne sont pas connus. Elle laisse dans le deuil deux soeurs. Son mari Barry Thompson, qui géra les compagnies d’opéra d’Edmonton et de Vancouver, est disparu en 2013. Après s’être retirée des feux de la rampe, Mme Tourangeau a longtemps enseigné le chant, l’Université Concordia lui décerna un doctorat honorifique en 1994, et elle devint Membre de l’Ordre du Canada en juin 1997. Récompenses qui étaient aussi, d’une certaine manière, des fins.
Rappelons donc les années 1960 et 1970 de Marie Jeannine Huguette Tourangeau, ses décennies glorieuses. Wilfrid Pelletier lui-même dirigeait le Conservatoire de musique du Québec à Montréal quand elle y étudiait. Vite remarquée, poussée par Zubin Metha, elle remporta en 1964 un prestigieux prix de la Fisher Foundation du Metropolitan Opera; à Stratford la même année, elle incarnait Cherubino dans Le mariage de Figaro. Lancée, elle s’illustra dans une quarantaine de productions à travers le monde, et enregistra une vingtaine de disques chez Decca/London. Pendant plus d’une quinzaine d’années, elle travailla auprès de Dame Joan Sutherland et de Richard Bonynge, au service de Faust autant que des Contes d’Hoffmann. Les aficionados se rappelleront particulièrement la Carmen qu’elle incarna à maintes reprises et un peu partout.
Dès le début des années 1970, elle mène pour ainsi dire deux carrières en parallèle: sa renommée d’enseignante deviendra aussi grande que celle de l’interprète. Dans le papier que lui consacrait Wah Keung Chan, elle décrivait ainsi son chant de mezzo colorature: « La clé pour chanter en colorature est d’entendre toutes les notes dans sa tête, et cela s’apprend en travaillant toutes les notes lentement et avec méthode.» Pour les interprètes qui auront étudié sous sa direction, c’est probablement son legs majeur. Méthode, technique et rigueur. Si l’essentiel est parfois invisible à l’oeil, les voix peuvent résonner de génération en génération.