Le Devoir

Le patrimoine immatériel n’est pas inventorié à Montréal

Une chercheuse dresse un état des lieux des pratiques muséales en la matière

- CAROLINE MONTPETIT

La Ville de Montréal ne tient aucun inventaire de son patrimoine immatériel, ce qui rend la préservati­on et la mise en valeur de ce patrimoine plus compliquée­s. C’est ce qu’avance l’ethnologue Monique Provost. Mme Provost présentera jeudi, lors d’une journée d’étude organisée par l’Institut du patrimoine de l’UQAM, un état des lieux du patrimoine culturel immatériel tel que présenté dans 16 musées montréalai­s.

À titre d’exemple, Mme Provost mentionne la disparitio­n de la patinoire naturelle du mont Royal où les citadins allaient patiner depuis des décennies. Cette pratique du patin, cette tradition souvent familiale, et les rituels qui l’ont entourée font partie du patrimoine immatériel. La chercheuse s’étonne d’ailleurs que personne n’ait soulevé ce fait au moment de l’annonce de la disparitio­n de la patinoire par la Ville de Montréal.

Dans la loi

Le patrimoine culturel immatériel, donc, est inscrit dans la Loi québécoise sur le patrimoine culturel depuis 2012. On inclut dans la définition de patrimoine immatériel les « savoir-faire, connaissan­ces, expression­s, pratiques et représenta­tions transmis de génération en génération ». Ce patrimoine gravite autour d’objets ou d’espaces culturels associés et il doit être revendiqué par un groupe ou une communauté. La pratique de la forge, par exemple, telle que pratiquée par Les Forges de Montréal, qui ont risqué d’être délogées de la station de pompage Riverside en 2017, en fait partie, selon Mme Provost.

Or, dans la liste dressée à ce jour par le gouverneme­nt du Québec pour inscrire des manifestat­ions de ce patrimoine, aucune n’est associée à la Ville de Montréal.

On y trouvera, par exemple, la fabricatio­n artisanale d’accordéons à Montmagny, la chasse à la sauvagine dans la région de Chaudière-Appalaches, le ski alpin, le ski de fond ou les courses de canot sur la Lièvre, dans les Laurentide­s.

Peu d’efforts

Et même si le patrimoine immatériel est inscrit dans la loi, donc, les efforts qui sont faits pour le faire rayonner sont peu connus. L’ethnologue a donc dressé un état des lieux de la mise en valeur du patrimoine immatériel, qu’elle présentera aux participan­ts à la journée d’études sur le sujet qui se tiendra jeudi à Montréal.

«J’ai demandé aux musées: “Avez-vous du patrimoine immatériel et qu’est-ce que vous faites pour le mettre en valeur ?” Et j’ai constaté d’emblée qu’il y a énormément de travail qui se fait sur le patrimoine culturel immatériel dans les musées», dit-elle.

Mme Provost a aussi constaté que la mise en valeur du patrimoine immatériel suppose une intégratio­n du savoir collectif. En effet, les musées ont pour pratique de faire appel aux collectivi­tés pour récolter leurs témoignage­s ou leurs savoir-faire.

À travers cette pratique, les musées «prennent de plus en plus des airs de centres culturels», dit-elle. Pourtant, ajoute-t-elle, cet effort de sauvegarde du patrimoine immatériel n’est pas «la vocation première des musées», qui est plutôt la conservati­on d’objets. Or, la mise en valeur du patrimoine immatériel peut s’orchestrer autour de ces objets.

Au cours de la journée d’études de jeudi, Laurier Turgeon, de l’Université Laval, discutera des avancées internatio­nales de l’UNESCO en matière de protection du patrimoine immatériel. Or, la Convention pour la sauvegarde du patrimoine immatériel a été adoptée par l’UNESCO en 2003 mais n’a pas encore été signée par le Canada, alors qu’elle a pourtant été ratifiée par 177 des 196 pays membres. «Justin Trudeau est allé à l’UNESCO avec Mélanie Joly. Cela indique peut-être une possibilit­é qu’il y ait une signature qui soit faite», explique Mme Provost.

Le gouverneme­nt du Québec, de son côté, a été «proactif» en inscrivant le patrimoine culturel dans une loi. Mais cette loi n’a pas de force coercitive.

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