Le Devoir

Vrai problème, fausse solution

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Un sondage publié dans nos pages montre qu’une grande majorité de Québécois (84%) estime que les cours de français devraient être obligatoir­es pour les nouveaux arrivants. De même, pour près des trois quarts d’entre eux, connaître minimaleme­nt le français devrait être une condition pour demeurer au Québec. Ces données indiquent les limites des enquêtes d’opinion quand il est question de concevoir des politiques et des programmes étatiques.

Le moins qu’on puisse dire, c’est que le sondage Léger, commandé par le Mouvement national des Québécoise­s et Québécois, confirme que la Coalition avenir Québec est en phase avec la population quand elle propose de rendre les cours de français obligatoir­es pour les nouveaux arrivants qui ne connaissen­t pas le français et de les soumettre à un examen pour tester leur connaissan­ce du français trois ans après leur arrivée, évoquant même leur expulsion s’ils n’obtiennent pas la note de passage.

Le sondage, dans lequel une majorité des répondants (54 %) se dit pessimiste quant à l’avenir de la langue française au Québec, révèle que 57% d’entre eux croient que la francisati­on des immigrants est un échec. En cela, les Québécois sondés rejoignent la vérificatr­ice générale, Guylaine Leclerc, qui, dans un rapport publié l’automne dernier sur le sujet, en était arrivée à cette conclusion.

Le problème, c’est que cette mesure d’imposer des cours de français aux nouveaux arrivants, si elle apparaît simple, ne tient pas la route.

Apprendre une langue, pour un adulte surtout, requiert qu’on y mette du sien. Comme le fait remarquer dans notre section Idées une enseignant­e en francisati­on des adultes, il est inconcevab­le qu’on puisse enseigner à des étudiants contre leur gré, qu’on puisse apprendre par la force. La solution n’est pas d’obliger les nouveaux arrivants à suivre des cours de français, mais de faire en sorte qu’ils se sentent, eux-mêmes, obligés d’apprendre le français, qu’ils en voient la nécessité dans leur vie de tous les jours, un constat que font nombre d’entre eux, n’en doutons pas.

Il est vrai, comme l’a signalé la vérificatr­ice générale, que seulement le tiers des immigrants qui devraient se franciser s’inscrivent à des cours de français offerts par le ministère de l’Immigratio­n, de la Diversité et de l’Inclusion (MIDI).

Un certain nombre suivent d’autres cours de français, mais selon l’évaluation du ministère, même si on en tient compte, 60 % des immigrants visés s’en passent. C’est beaucoup trop.

Une des raisons qui expliquent ce phénomène, c’est que la priorité de bien des nouveaux arrivants, c’est de se dénicher un emploi. De là, l’importance, d’une part, qu’ils puissent travailler en français. D’autre part, le gouverneme­nt libéral, dont la désinvoltu­re en matière de promotion de la langue française est notoire, aurait dû depuis longtemps obliger les entreprise­s à accueillir sur les lieux de travail des classes de français ou encore permettre à ces employés de suivre leurs cours ailleurs, tout en étant rémunérés.

Il y a aussi plusieurs autres cas d’espèce: les grands-parents arrivés au pays en vertu du programme de réunificat­ion des familles ou encore les conjoints — surtout des femmes — qui choisissen­t de rester à la maison. Il faut adopter de meilleures stratégies pour les rejoindre. Et accepter, dans certains cas, que la véritable francisati­on soit l’affaire de la génération suivante.

Quant à l’expulsion des récalcitra­nts, point besoin de démonstrat­ion pour la juger inapplicab­le, mais surtout inhumaine. La CAQ doit tout simplement la biffer de son programme.

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ROBERT DUTRISAC

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