Le Devoir

Beaulieu veut précipiter le départ de Ouellet

Une majorité de délégués réclameron­t dimanche un vote de confiance hâtif

- MARIE VASTEL Correspond­ante parlementa­ire à Ottawa

Le conseil général du Bloc québécois sera mouvementé, dimanche. Un camp rival à la chef Martine Ouellet compte prendre d’assaut la rencontre, afin de faire devancer le vote de confiance à son endroit, a appris Le Devoir. Le camp des dissidents rassemble la majorité des circonscri­ptions. Et l’un de ses membres est nul autre que Mario Beaulieu, qui défendra le putsch au micro.

«Ça va brasser de tous bords, tous côtés», prévient une source bloquiste, à quelques jours de la rencontre prévue à Drummondvi­lle.

Dès l’ouverture de la séance, les représenta­nts d’une quarantain­e de circonscri­ptions réclameron­t que soit modifié l’ordre du jour. Plutôt que de causer comme prévu de la propositio­n de plateforme électorale de Martine Ouellet ou de son idée de référendum à deux volets, le camp des dissidents s’organisera pour que la journée soit consacrée d’abord et avant tout à la crise qui secoue le parti depuis deux mois.

«L’objectif, c’est que la crise soit derrière

nous avant la fin du mois de mai », explique un des présidents de circonscri­ption au Devoir.

Les contestata­ires du leadership de Martine Ouellet veulent abandonner l’idée de référendum de la chef — qui veut sonder les membres sur le mandat du Bloc, début juin, et tenir un vote de confiance à son endroit. Le camp des dissidents veut uniquement conserver le vote de confiance. Et que celui-ci soit devancé de deux semaines, pour se tenir le 15 mai.

Mario Beaulieu participe à leur campagne, ont confié des sources au Devoir. Les présidents de circonscri­ption ont convenu de leur plan de match lors d’une conférence téléphoniq­ue mercredi soir. M. Beaulieu, qui est député et président du parti, était de cet appel. Et l’ancien chef a lui-même fait des appels pour convaincre des présidents de circonscri­ption qu’il valait mieux que Martine Ouellet quitte son poste.

L’objectif: «Essayer de faire comprendre à Martine que, pour le bien du parti, ce serait mieux qu’elle parte immédiatem­ent», explique un second président de circonscri­ption qui participer­a à la fronde dimanche.

« Les membres ont décidé de se réappropri­er leur parti. […] Mario fait une cavale pour aider le plus possible les membres à atteindre cet objectif », confie une quatrième source au Devoir.

Beaulieu sort de sa réserve

M. Beaulieu avait retiré son appui à Martine Ouellet, en privé, à la fin mars — deux semaines après le départ fracassant de la majorité du caucus bloquiste. Il a toujours refusé depuis de se prononcer publiqueme­nt sur le sort de la chef, qu’il avait lui-même recrutée l’an dernier. Mais Mario Beaulieu prévoirait maintenant de prendre la parole pour défendre lui-même la demande des dissidents au micro, dimanche, selon nos informatio­ns.

Certains songent même à demander que le vote de confiance se tienne sur le plancher, dimanche. Un tel scrutin n’aurait cependant pas de pouvoir exécutoire, puisque les votes de confiance doivent se tenir en congrès en vertu des statuts du Bloc québécois. Mais il pourrait être indicatif, note un bloquiste qui prédit que la chef perdrait le vote.

Le Bloc québécois compte 67 associatio­ns de circonscri­ption actives — sur les 78 circonscri­ptions au Québec. De ce nombre, 40 seraient dans le camp des dissidents, selon nos sources. La majorité, voire la totalité, des membres du Forum jeunesse du Bloc devrait appuyer leur demande de devancer le vote de confiance (ils sont 23 membres). La commission de la citoyennet­é du parti, qui compte une autre dizaine de membres, appuierait elle aussi les dissidents.

«Nos appuis sont assez solides», assure l’un des conspirate­urs, qui n’exclut pas de pouvoir convaincre d’autres délégués sur place au conseil général. « Il s’agit d’être convaincan­t sur le plancher. Il y a beaucoup de choses qui se décident là. »

Le camp de Martine Ouellet se mobilise également en vue de la rencontre. La chef et ses collaborat­eurs ont à leur tour appelé des présidents de comté pour tenter de les convaincre de l’appuyer. Et ils disent eux aussi avoir une majorité dans leur camp.

Or, certains des bloquistes qui appuient toujours le leadership de la chef appuient néanmoins le devancemen­t du vote de confiance, car ils veulent régler la crise une fois pour toutes. « Le monde est tanné. Les militants sont tannés », relate une source du Devoir.

L’ordre du jour du conseil général de dimanche avait prévu de débattre de la propositio­n de référendum de Martine Ouellet seulement en après-midi. Les délégués doivent approuver ou rejeter l’idée de sonder les membres les 1er et 2 juin. Le camp des dissidents souhaite cependant que cette question soit abordée dès la matinée — afin d’éviter que les autres discussion­s s’étirent et que les débats sur le leadership de Martine Ouellet soient écourtés faute de temps en fin de journée.

Le Forum jeunesse du Bloc proposera quant à lui comme prévu son idée de refondatio­n du parti — avec un nouveau nom et un nouveau programme politique. Mais les jeunes suggéreron­t simplement aux délégués dimanche d’appuyer l’idée et d’en reparler plus à fond lors d’une rencontre ultérieure en juin.

L’opposition au leadership de Martine Ouellet couvait depuis des mois, au sein du Bloc québécois. Le départ de sept députés, sur les dix que comptait le caucus, a secoué la famille bloquiste fin février. Les deux mises en demeure déposées par la chef contre les émissions La joute, de TVA, et Médium large, de Radio-Canada, ont créé un malaise chez certains.

Une trentaine d’associatio­ns de circonscri­ption avaient déjà réclamé, fin mars, que le vote de confiance soit devancé et que la consultati­on de Martine Ouellet sur le mandat du Bloc soit abandonnée. Certains suggéraien­t aussi que le poste de Mario Beaulieu comme président du parti soit également soumis à un vote de confiance.

« Ce que vous allez voir dimanche, c’est le résultat d’une concertati­on qui n’existait pas avant. Tout le monde va tirer dans la même direction», indique l’un des présidents de circonscri­ption. «On n’est plus juste un mouvement de contestati­on ou de dissidents. »

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR La chef et le président du Bloc québécois, Martine Ouellet et Mario Beaulieu

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