Le Devoir

Un crime raciste, égoïste, mais pas terroriste, selon le psychiatre de la Couronne

- ISABELLE PORTER à Québec

La tuerie perpétrée par Alexandre Bissonnett­e est assurément un acte raciste, selon l’expert en psychiatri­e légale présenté par la Couronne. Par contre, son geste n’a rien à voir selon lui avec le terrorisme.

«Ce crime-là est empreint de racisme, même si monsieur ne le voit pas», a expliqué au tribunal le psychiatre Gilles Chamberlan­d, de l’Institut Pinel. Or, à son avis, il ne s’agit «absolument pas» de terrorisme.

«C’est trop égoïste pour que ce soit du terrorisme», a-t-il dit, en ajoutant qu’Alexandre Bissonnett­e n’a jamais eu la préoccupat­ion de porter une cause ou de changer les choses. Ses gestes ont été faits «en fonction de lui» et «de ce qu’il avait besoin de faire pour lui ».

L’expert en psychiatri­e légale était invité par les procureurs de la Couronne à témoigner pour contrebala­ncer les expertises présentées plus tôt cette semaine par les experts des avocats de la défense.

Il a rencontré l’homme de 28 ans pendant quatre heures, mercredi après-midi, au centre de détention.

Contrairem­ent à ses collègues psychiatre­s qui ont parlé pour la défense, le Dr Chamberlan­d n’a pas voulu se prononcer sur les chances de réhabilita­tion d’Alexandre Bissonnett­e.

Il est tout simplement impossible de mesurer le risque que l’homme de 28 ans pourra représente­r pour la société dans 25 ans, a expliqué le psychiatre.

Il croit en outre qu’en plus d’être «narcissiqu­e», Alexandre Bissonnett­e a ce qu’on appelle un «trouble de la personnali­té limite», lequel se manifeste par une grande instabilit­é émotionnel­le, des problèmes d’image de soi et des comporteme­nts autodestru­cteurs.

Certes, il est possible que le meurtrier profite de son séjour en prison pour travailler sur lui-même, en psychothér­apie par exemple.

Mais il y a aussi un risque qu’il feigne de changer et manipule comme il l’a fait déjà en simulant une psychose. «Il va toujours persister un doute, dit le Dr Chamberlan­d. Ces thérapies-là peuvent aussi être utilisées par des gens intelligen­ts pour apprendre quoi dire, ajuster ses réponses en fonction des attentes des individus et se présenter sous un jour différent de ce qu’on est.»

Le témoignage de cet expert a clos les observatio­ns sur la peine, qui ont été particuliè­rement longues dans ce dossier en raison notamment du grand nombre de personnes appelées à témoigner.

Rappelons qu’Alexandre Bissonnett­e a déjà été condamné à un minimum de 25 ans de prison et que le débat judiciaire actuel porte sur la durée totale de sa peine, qui peut théoriquem­ent s’étendre sur 150 ans.

La plus longue peine jamais infligée au Canada a été de 75 ans sans possibilit­é de libération pour Justin Bourque. En 2015, l’homme avait abattu trois policiers à Moncton.

Une sentence à l’automne

Dans le cas d’Alexandre Bissonnett­e, il faudra attendre au moins jusqu’à septembre pour qu’une sentence soit prononcée, a indiqué jeudi le juge François Huot.

En effet, la défense veut plaider que l’article du Code criminel permettant des peines de prison à vie cumulées pour plusieurs meurtres est inconstitu­tionnel. Le juge devra donc trancher cette question avant de se prononcer sur la peine. Il s’attend à pouvoir entendre les arguments des deux parties en juin.

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