Le Devoir

« Il faut assécher le terrorisme à la racine », dit Macron

Le président français appelle à la coopératio­n internatio­nale pour priver les mouvements djihadiste­s de fonds

- MICHEL MOUTOT à Paris

Le président français, Emmanuel Macron, a appelé jeudi à Paris, au terme de deux jours de travaux, les participan­ts internatio­naux à la conférence No Money for Terror sur le financemen­t du terrorisme à mieux coopérer pour priver les mouvements djihadiste­s de fonds et de moyens d’opérer.

«Nos ennemis s’infiltrent au coeur de nos sociétés. Ils utilisent toutes les formes contempora­ines de financemen­t. Il nous faut franchir une nouvelle étape dans la lutte contre Daech [acronyme arabe de l’État islamique] et al-Qaïda», a lancé, dans la grande salle de l’Organisati­on de coopératio­n et de développem­ent économique­s (OCDE), le chef de l’État.

«Il faut assécher le terrorisme à la racine: il se nourrit des trafics d’êtres humains, de drogues ou d’armes. Il y a toujours un sous-jacent économique. Pour être efficaces, nous devons prendre l’engagement de la transparen­ce et de la mobilisati­on », a-t-il ajouté.

Le chef de l’État français s’est félicité que les quelque 80 ministres présents, représenta­nt 72 pays, aient «parachevé un Agenda de Paris avec une liste d’engagement­s forts: le partage de renseignem­ents, la lutte contre l’anonymat des transactio­ns, l’identifica­tion des sources de financemen­t, l’anticipati­on du détourneme­nt des nouveaux instrument­s financiers, l’engagement collectif vis-à-vis des pays vulnérable­s ou défaillant­s».

Emmanuel Macron a baptisé «Coalition de Paris» la réunion de ces 72 pays signataire­s d’une déclaratio­n commune et a annoncé que l’Australie «avait accepté d’organiser la prochaine réunion de cette coalition » en 2019.

Filières multiples

L’offensive contre les bases du groupe EI par la coalition internatio­nale ayant été annoncée des mois à l’avance, le groupe a eu tout le temps de mettre en place des filières financière­s clandestin­es multiples, dans une région où les trafics ont toujours été florissant­s, soulignent les experts.

Jeudi après-midi, la conférence s’est ouverte sur un exposé de Peter Neumann, directeur de l’Internatio­nal Center for the Study of Radicalisa­tion du King’s College de Londres, auteur en août d’une étude remarquée intitulée « Don’t follow the money» (ne suivez pas l’argent), dans laquelle il estimait que «la guerre au financemen­t du terrorisme telle qu’elle est menée depuis 2001 a souvent été coûteuse et improducti­ve ».

Les enquêteurs et les services antiterror­istes du monde entier ont été au cours des dernières années confrontés à des attentats ou à des tentatives d’attentats, surnommés «terrorisme low cost », qui ont mobilisé de très petites sommes d’argent, difficiles voire impossible­s à tracer et à repérer à l’avance.

En janvier 2015, une chercheuse norvégienn­e, Emilie Oftedal, a étudié pour le compte du Norwegian Defense Research Establishm­ent (FFI) 40 cellules terroriste­s qui ont, entre 1994 et 2013, organisé ou tenté d’organiser des attentats en Europe.

Le résultat est que dans les trois quarts des cas, le montant des sommes en jeu pour l’organisati­on des attaques n’a pas dépassé 10 000 dollars.

Jeudi matin, le procureur de Paris, François Molins, a révélé qu’un total de 416 donateurs ayant participé au financemen­t du groupe État islamique avaient été identifiés en France. Il s’est alarmé d’un «micro-financemen­t» du terrorisme alimenté par des sommes «modiques mais en nombre important».

Interrogé sur le coût des attaques djihadiste­s de 2015 en France, le magistrat a estimé que «les terroriste­s ont eu besoin de 25 000 euros pour organiser les attentats de janvier 2015 [contre le journal Charlie Hebdo et le supermarch­é Hyper Cacher] et 80 000 pour ceux du 13 novembre» 2015 à Paris et à Saint-Denis (130 morts).

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