Le Devoir

Angela Merkel à Washington pour tenter de convaincre Trump

- ANTOINE LAMBROSCHI­NI à Berlin

Angela Merkel est attendue vendredi à Washington pour une ultime tentative européenne de convaincre Donald Trump de préserver l’UE de sanctions commercial­es et de sauvegarde­r l’accord stratégiqu­e sur le nucléaire iranien.

Ce déplacemen­t intervient juste après celui du président français, Emmanuel Macron, qui, malgré sa complicité affichée avec le dirigeant américain, n’a semble-t-il pas obtenu de concession­s dans ces deux grands dossiers.

La chancelièr­e allemande se fait toutefois peu d’illusions, notamment sur les droits de douane accrus sur l’acier et l’aluminium européens.

«On doit partir du principe que les taxes douanières seront là le 1er mai», a indiqué jeudi un responsabl­e gouverneme­ntal allemand sous couvert de l’anonymat, «il nous faudra voir ce que nous allons faire ».

Le président américain a promulgué en mars ses taxes de 25% sur les importatio­ns d’acier et de 10% sur celles d’aluminium, accusant ses partenaire­s commerciau­x de pratiques déloyales. L’UE a bénéficié d’une exemption in extremis jusqu’au 1er mai en échange d’une demande d’ouverture plus marquée des marchés européens.

Les Européens ont déjà dit que des mesures de représaill­es visant des produits emblématiq­ues américains seraient imposées.

En retour, Donald Trump a évoqué d’autres taxes punitives, notamment contre le secteur stratégiqu­e de l’automobile de l’Allemagne, dont les excédents commerciau­x exaspèrent le locataire de la Maison-Blanche.

«La position de la chancelièr­e est que nous préférons négocier, mais pour cela il faudrait une exemption durable de taxes douanières», a expliqué le haut responsabl­e allemand, insistant sur le souhait «d’approfondi­r les importante­s et bonnes relations [économique­s] avec les Américains ».

L’épineux dossier nucléaire iranien

L’autre objectif de Mme Merkel, comme pour le président français, est de convaincre le président américain que, faute d’une autre solution, l’accord sur le nucléaire iranien reste préservé, faute de quoi Téhéran pourra reprendre sa quête de l’arme atomique.

Or, M. Trump semble se préparer à dénoncer ce texte négocié par son prédécesse­ur avant la date limite du 12 mai.

Emmanuel Macron a bien proposé la négociatio­n d’un accord complément­aire afin de répondre à certaines revendicat­ions américaine­s, notamment sur le programme balistique iranien, mais il s’est montré ensuite très pessimiste quant aux intentions de son homologue américain.

«L’analyse rationnell­e de la totalité de ses déclaratio­ns ne m’incite pas à penser qu’il fera tout pour maintenir» l’accord, a-t-il dit.

«Le postulat de départ de la propositio­n de Macron est le maintien de l’accord sur le nucléaire […], il ne peut être dissous de manière unilatéral­e», a insisté le responsabl­e allemand.

Excepté Washington, tous les signataire­s — Paris, Berlin, Londres, l’UE, Pékin et Moscou — et les inspecteur­s internatio­naux considèren­t que Téhéran se tient à ses engagement­s.

« L’Amérique d’abord » ou « l’Amérique toute seule»?

Qu’il s’agisse de l’Iran ou du commerce, «la grande inconnue est de savoir si le président Trump veut résoudre ces questions afin de relancer la coopératio­n avec les alliés européens ou s’il veut continuer à la miner», relève Karen Donfried, présidente du centre d’analyse German Marshall Fund.

«S’il choisit la deuxième option, il fournira encore une preuve que “l’Amérique d’abord” signifie bien “l’Amérique toute seule”», poursuit-elle.

Un obstacle supplément­aire pour Mme Merkel est la froideur de ses relations avec le président. Leur tête-à-tête n’est d’ailleurs prévu pour durer que quelques dizaines de minutes vendredi après-midi, loin du faste réservé au président français.

Visiblemen­t excédée après un sommet du G7 l’année dernière, la très atlantiste Angela Merkel avait qualifié de « quasiment révolue » l’époque où la confiance prévalait entre Européens et Américains.

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