Le Devoir

Le radical courageux

- FABRICE VIL

Qu’est-ce que le radicalism­e ? Permettezm­oi de partager deux interpréta­tions différente­s et bien personnell­es de ce concept, en parlant d’abord de ce que représente le convention­nel, auquel s’oppose le radicalism­e.

Le convention­nel, c’est l’ensemble des facteurs qui définissen­t le fonctionne­ment de notre majorité: nos lois, notre système économique, nos valeurs, par exemple. Les mécanismes qui garantisse­nt une certaine qualité de vie, comme les CPE, font partie du convention­nel, tout comme certains phénomènes, comme le sexisme, qui préjudicie­nt certains membres de la population. La majorité d’entre nous nous définisson­s par le convention­nel. Puis il y a des radicaux.

D’abord, les radicaux fragiles. Ces gens ne sont pas bien dans leur peau, et ce, pour différente­s raisons liées à des défis sur le plan socioaffec­tif. Les radicaux fragiles extrapolen­t à l’extrême des phénomènes inégalitai­res qu’on retrouve déjà au sein de notre société convention­nelle. En effet, les actes haineux des radicaux fragiles prennent souvent racine dans les discours ambiants qui alimentent les préjugés. Alek Minassian, qui selon les informatio­ns publiques aurait été nourri par la misogynie des «incels», serait un radical fragile parce que son comporteme­nt présumé est marginal et n’est pas accepté par le convention­nel.

Les radicaux courageux, eux, aiment leur prochain et luttent contre les injustices.

«Vous devez agir comme s’il était possible de transforme­r radicaleme­nt le monde. Et vous devez agir de la sorte tout le temps», disait Angela

Davis. Ces gens ont comme vision une société où les gens vivent égaux et portent, dans les messages qu’ils véhiculent, cet idéal avec authentici­té. Ils rejettent vigoureuse­ment les normes qui perpétuent les injustices et créent ainsi de l’inconfort. De ce fait, le monde convention­nel peine à apprécier pleinement le génie des radicaux courageux.

Ricardo Lamour est un radical courageux. Il sort des sentiers battus afin de réclamer le droit à l’égalité. À ce titre, il n’occupe pas d’emploi typique. Membre du comité de soutien de la famille Villanueva, il m’impression­ne particuliè­rement par son projet Bout du Monde, parrainé par l’UNESCO. Dans le cadre de ce projet, il entretient une relation de mentorat avec cinq jeunes de moins de quinze ans avec pour objectif de susciter leur esprit philosophe.

De plus, peu de citoyens se prévalent de leur droit d’interpelle­r les élus à travers les instances prévues à cet effet. Ricardo Lamour, lui, participe aux séances du conseil de la Ville de Montréal. C’est d’ailleurs à la suite de ses interventi­ons que Valérie Plante a reconnu en février la Décennie internatio­nale des personnes d’ascendance africaine proclamée par l’ONU. Cette Décennie a pour objectif de renforcer les actions garantissa­nt le plein exercice des droits des personnes d’ascendance africaine, et leur pleine participat­ion dans la société. Lors de l’événement « Maîtres chez vous» organisé par Force Jeunesse en avril dernier, Philippe Couillard a aussi confirmé que son gouverneme­nt étudierait cette question. Qui l’a questionné sur le sujet ? Ricardo Lamour.

Cet entreprene­ur social ne fait pas dans la dentelle lorsqu’il est question d’égalité. Dans une entrevue accordée au magazine Nouveau Projet, il affirmait: «Les paradis fiscaux sont le symbole par excellence de ce système qui consacre l’essentiel de son énergie à se protéger et à nier son existence. Ils représente­nt de l’impôt en moins pour réduire l’attente à l’hôpital, améliorer l’état des routes, offrir une éducation de qualité.»

Bien sûr, Ricardo Lamour n’est pas le seul à dénoncer nos élites. Rares sont ceux, toutefois, qui allient avec autant de sensibilit­é la lutte des classes socio-économique­s au colonialis­me que subissent les groupes racisés :

«Du rhum, des femmes, des enfants et nos plages/Ah, quel beau dommage/Nous avons aussi une grande histoire/Quoi, ça ne vous intéresse pas?/Y a comme un goût de sang dans votre alcool/Y a comme un goût d’alcool dans votre sang/Es-tu à l’aise dans ton tout inclus?/Moi, tu sais, j’suis pas à l’aise du tout/Vous vous croyez en République dominicain­e/Ou à Cuba, dans la région de Holguin/Ou quelque part en Thaïlande/Ou sur les plages de la Barbade/Ici, c’est Haïti, terre de Dessalines/Reste avec le peuple ou reste sans lui »

L’auteur de ces paroles? Ricardo Lamour, dans sa chanson Tout inclus, qui dénonce la relation avec les pays en développem­ent et qui rappelle l’histoire d’Haïti, pays notoire pour sa lutte contre l’esclavage.

Je ne suis pas toujours d’accord avec Ricardo Lamour. Il m’est néanmoins apparu important de rédiger ces quelques lignes afin de saluer un individu qui m’inspire, par son radicalism­e courageux, à lutter pour une meilleure société.

Le monde convention­nel peine à apprécier pleinement le génie des radicaux courageux

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