Le Devoir

La culture dans les règles de l’art d’ici

Autofinanc­ement et démocratis­ation sont au coeur de la nouvelle exposition à l’Écomusée du fier monde

- SOPHIE CHARTIER

L’Écomusée du fier monde, pour une nouvelle fois, ouvre grand (et gratuiteme­nt) ses portes à l’occasion de son exposition annuelle, Variations sur l’art d’ici. Cette déambulati­on éclatée à travers les modernisme­s locaux sert une double cause: assurer la continuati­on des activités du musée citoyen et faire découvrir des oeuvres de haut calibre à tous.

Pénétrer dans l’Écomusée du fier monde est une expérience changeante. La lumière vient lécher les hauts plafonds du bain Généreux qui héberge ce musée phare du centre-sud de Montréal, donnant une impression de plénitude encore plus grande. C’est dans cette chapelle d’un blanc brillant que René Binette, directeur du musée, accueille Le Devoir, au moment des derniers préparatif­s de l’exposition Variations sur l’art d’ici.

«C’est un panorama composé des oeuvres de 66 artistes d’ici», résume le directeur. En déambulant autour de l’ancien bain public, on est tour à tour attiré par des oeuvres de grands maîtres à nous: Marcelle Ferron, René Derouin, Alfred Pellan, Jean-Paul Jérôme, Janine Leroux Guillaume (récemment décédée) et JeanPaul Riopelle.

Ces figures connues côtoient sur les mêmes murs des artistes moins établis, plus contempora­ins, ou encore des incontourn­ables du quartier d’aujourd’hui.

Les oeuvres les plus anciennes remontent à la fin des années 1950. On a fait une belle place aux artistes des années 1960 et 1970, mais l’art d’aujourd’hui est bien présent. On est ainsi charmés par ce tout petit timbre-poste signé Marc Séguin, mais aussi par la pièce expression­niste de l’artiste Nadia Nadège, moins célèbre. Si la figuration et la forme humaine ont leur place, l’abstractio­n est presque omniprésen­te, déclinant formes, couleurs et techniques d’une variété impression­nante sur les parois immaculées du musée de la rue Amherst.

Tout cela peut paraître déstabilis­ant pour les puristes de l’histoire de l’art et les adeptes de classement chronologi­que. Mais René Binette précise que le but n’en est pas un de classifica­tion. «Ce sont des choses relativeme­nt récentes, dressant un portrait global des pièces. On n’est pas allés dans le XIXe siècle ni dans la période de l’avant-guerre. Il y a certaineme­nt une direction commune : on n’est pas dans la figuration classique. On observe aussi un certain nombre de représenta­nts des mouvements depuis les années 19601970 au Québec. Mais, sans être une rétrospect­ive, c’est, disons, une sorte de panorama d’un certain nombre de choses qui se sont faites chez nous depuis un demi-siècle. »

Pour eux, pour tous

Car, si l’Écomusée du fier monde est reconnu pour sa rigueur historique, cette exposition n’est pas comme les autres. Les oeuvres seront vendues lors de l’encan annuel de financemen­t, le 8 mai. « Dans le secteur des musées, dit M. Binette, tout le monde tire le diable par la queue. La soirée de l’encan est importante pour nous. Ça nous a semblé pertinent d’arrimer cette opération à une activité ouverte à tous. »

Presque chaque établissem­ent muséal est désormais contraint de s’autofinanc­er d’une façon ou d’une autre — un bal, une soirée mondaine…

Mais ce modèle, on s’en doute, est très peu dans le style de l’Écomusée. «Nous pourrions faire, comme il y a quelques années, notre encanbénéf­ice un seul soir et mettre les oeuvres aux enchères, mais c’était important pour nous d’inviter les organismes du quartier. On juge que ce qu’on a à vendre est assez intéressan­t pour le montrer à nos voisins, notre réseau. On le sait, le Centre-Sud est un quartier où il y a des indices de défavorisa­tion importants.»

Bénéfices partagés

D’ailleurs, lors de l’encan, les bénéfices de la vente de deux des oeuvres les plus prisées seront partagés avec deux organismes communauta­ires du secteur: Mères avec pouvoir Montréal et l’Auberge du coeur Le Tournant.

«Selon les années, on change d’organismes, mais on juge que ça aussi, ça fait partie de notre mission. C’est une occasion de se rappeler qu’on n’est pas là pour rien. On essaie de faire le lien entre ce qu’on est et le milieu dans lequel on se trouve.»

Pour Variations sur l’art d’ici, le musée n’exigera pas de prix d’entrée. «Le plus important, pour moi, c’était de dire aux gens du quartier et à l’ensemble des Montréalai­s: il y a une exposition intéressan­te, il y a des oeuvres connues et émergentes, et c’est gratuit pendant deux semaines. Donc, on est dans une opération de démocratis­ation de la culture.»

M. Binette croit que le bâtiment qui abrite l’organisme culturel qu’il dirige vaut à lui seul une visite. «On l’a dit dès l’arrivée: quel endroit magnifique ! Il faut venir découvrir ! »

« » Cette expo est un panorama composé des oeuvres de 66 artistes locaux René Binette, directeur de l’Écomusée du fier monde

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PHOTOS MARIE-FRANCE COALLIER LE DEVOIR Les oeuvres les plus anciennes remontent à la fin des années 1950. Et on a fait une belle place aux artistes des années 1960 et 1970, mais l’art d’aujourd’hui est bien présent.
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