Le Devoir

Bill Cosby reconnu coupable d’agression sexuelle

- JENNIE MATTHEW à Norristown THOMAS URBAIN à New York

L’acteur américain Bill Cosby a été reconnu coupable jeudi d’agression sexuelle par un jury populaire de Pennsylvan­ie, au terme d’un deuxième procès qui pourrait apparaître comme la première victoire judiciaire de l’ère #MeToo.

Au terme de près de trois semaines de procès, le comédien de 80 ans a été déclaré coupable de trois chefs d’accusation et risque, en théorie, 30 ans de prison. C’est le juge Steve O’Neill qui déterminer­a sa peine, dans les deux à trois mois à venir.

La victime, Andrea Constand, une ex-basketteus­e de 45 ans, était présente dans la salle d’audience lors du prononcé du verdict, après 14 heures de délibérati­on, sur deux jours.

En janvier 2004, à son domicile de Cheltenham (Pennsylvan­ie), Bill Cosby l’avait invitée à prendre un verre de vin et trois pilules, avant de l’agresser alors qu’elle n’était plus en état de résister.

«Finalement, les femmes sont crues», a déclaré, à la sortie du tribunal, Gloria Allred, avocate de plusieurs femmes se présentant comme des victimes de Bill Cosby et d’autres victimes présumées d’agressions sexuelles, mais qui ne représenta­it pas Andrea Constand.

«Nous sommes très déçus par ce verdict», a commenté le conseil de Bill Cosby, Tom Mesereau. «Le combat n’est pas terminé», a-t-il ajouté, laissant planer la possibilit­é d’un appel.

Dès le prononcé du verdict, le procureur du comté de Montgomery, Kevin Steele, a demandé que l’octogénair­e soit immédiatem­ent placé en détention, arguant qu’il risquait notamment de s’enfuir en avion. «Il n’a pas d’avion, connard!» a alors éructé Bill Cosby, agacé. C’était la première fois que le comédien manifestai­t ses émotions depuis le début du procès, lui qui n’avait pas réagi au prononcé du verdict.

Le juge a finalement décidé de laisser l’acteur libre sous caution.

«Justice est faite», a déclaré le procureur Kevin Steele, lors d’une conférence de presse après le prononcé du verdict. « Un moment auquel il a échappé pendant trop longtemps», a-t-il estimé, jugeant que Bill Cosby s’était «comporté comme un prédateur avec les femmes durant des décennies».

«L’argent, le pouvoir ou votre statut ne nous empêcheron­t pas d’ouvrir une enquête criminelle et d’engager des poursuites», a-t-il averti.

Même s’il y a plusieurs années déjà que le créateur du Cosby Show n’est plus considéré comme la figure morale qu’il a longtemps incarnée, en particulie­r pour la communauté afro-américaine, ce verdict scelle sa disgrâce.

Au total, il a été accusé d’agressions sexuelles par plus de 60 femmes, allégation­s qui étaient toutes prescrites, sauf celle concernant Andrea Constand.

En juin 2017, à l’issue de 52 heures de délibérati­ons, le jury du premier procès de Bill Cosby n’avait pu se prononcer à l’unanimité, entraînant son annulation.

Entre les deux procès, la lame de fond de l’affaire Weinstein et du mouvement #MeToo a traversé les États-Unis et alourdi le contexte, devenu très défavorabl­e à Bill Cosby.

D’autant que le juge Steven O’Neill a autorisé l’accusation à faire témoigner cinq autres femmes se présentant comme d’anciennes victimes de Cosby.

Depuis l’éclatement de l’affaire Weinstein, aucun des hommes célèbres mis en cause pour des faits présumés de harcèlemen­t ou d’agression sexuelle n’a été formelleme­nt inculpé par la justice américaine.

Objet de trois enquêtes de police, Harvey Weinstein luimême ne fait pas, à ce jour, l’objet de poursuites pénales.

«Le mouvement #MeToo fonctionne et se porte bien», a affirmé jeudi Gloria Allred.

Le verdict «signifie que le système judiciaire est désormais attentif», a estimé Victoria Valentino, l’une des victimes présumées de Bill Cosby. «Ils écoutent et ils agissent. Nous ne sommes plus invisibles. »

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DOMINICK REUTER AGENCE FRANCE-PRESSE Bill Cosby lors de sa sortie du tribunal, jeudi

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