Le Devoir

Une farce politique et lubrique

- Yannick Marcoux

Masi

★★★ 1/2 Gary Victor, Mémoires d’encrier, Montréal, 2018, 200 pages Masi s’ouvre sur les gémissemen­ts du président d’Haïti, grand paresseux devant l’éternel, corrompu et couillard, qui reçoit, de Dieuseul Lapénuri, une fellation sur le point de tout changer. Il y a, entre les deux hommes, une connivence: «Un lien. Le lien que les ratés et les médiocres tissent entre eux pour se maintenir aux commandes du pays.»

Pour la prouesse d’avoir fait jouir le président, Dieuseul est nommé ministre des Valeurs morales et citoyennes. Petit fonctionna­ire aux capacités limitées, plusieurs obstacles attendent son entrée en fonction. Son dossier le plus épineux consiste à approuver, ou non, la tenue d’un festival destiné à la communauté gaie et lesbienne, auquel la classe politique, le clergé et une majorité de la population s’opposent.

Le nouveau ministre se retrouve alors au coeur d’une parade démocratiq­ue, menée par les langues de bois et l’avidité. Laissé à lui-même, il cherche à comprendre cet univers où la bouffonner­ie est sérieuse et l’homophobie, un désir refoulé: «Nous crions haro sur Sodome et Gomorrhe, mais nous suçons leur queue chaque jour. »

Inspiré de Massimadi, festival de la communauté LGBTQI dont la tenue en Haïti a été reportée indéfinime­nt, Masi prend la défense d’une communauté ostracisée dans un pays où, depuis l’an dernier, le mariage homosexuel est passible de prison. Mais la prose de l’auteur dérange par-delà Haïti.

Farce politique aussi bien hilarante que cruelle, son roman met au jour l’érosion de pays gouvernés par des gens avides de pouvoir. Contre l’attentisme, Victor nourrit la gronde et convoque le changement. Et à ceux qui pourfenden­t «un terrorisme intellectu­el sournois empêchant la majorité de s’exprimer », l’auteur oppose la dénonciati­on de «prédateurs qui festoient sur les cadavres des valeurs ».

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