Le Canada en retard
Le gouvernement Trudeau entend profiter de sa présidence du G7 pour convaincre les autres pays de s’engager dans la lutte contre la pollution des océans, en particulier par les plastiques. Mais le Canada a si peu à proposer qu’on se demande comment il exercera le leadership auquel il aspire.
D ’abord à Davos en janvier puis à Cancún en mars, la ministre de l’Environnement et du Développement durable, Catherine McKenna, a annoncé que le Canada comptait inviter les membres du G7 à adopter des buts ambitieux en matière de réduction et de recyclage du plastique. «Nous envisageons une charte “zéro déchet plastique”», a-t-elle dit. Il est plus qu’à propos de débattre de cet enjeu urgent devenu planétaire. Comme le démontrait notre dossier de la semaine dernière, le plastique est partout et altère la santé et l’environnement. «D’ici 2050, il y aura plus de plastique dans les mers que de poissons», dénonçait en décembre Erik Solheim, le chef de l’agence des Nations unies pour l’environnement. Le Canada a déjà fait un geste en interdisant à partir de cet été les microbilles de plastique contenues dans les produits de soin personnel. Mme McKenna a évoqué récemment l’utilisation d’emballages exclusivement réutilisables, recyclables ou compostables, mais sans dire quand ni comment. Lors de son passage au Sommet du Commonwealth, le premier ministre Justin Trudeau a évité de s’engager à ce sujet, malgré les attentes de son homologue britannique, Theresa May. Il a dit vouloir examiner la question lors du sommet du G7 en juin dans le cadre des discussions sur l’environnement.
Pour exercer un réel leadership et entraîner d’autres gouvernements à sa suite, un pays doit démontrer qu’il est lui-même prêt à prendre les devants, qu’il a un plan, des solutions et les moyens de ses ambitions. Ottawa n’a rien offert de tel jusqu’à présent, alors que l’Union européenne, elle, a adopté une nouvelle stratégie en janvier dernier.
Ici, on consulte et seulement depuis le 22 avril. Ce jour-là, la ministre McKenna a lancé ladite consultation, invitant les Canadiens à partager leurs idées et solutions. Ce coup de sonde, à peine deux mois avant le sommet de Charlevoix, doit pourtant servir à l’élaboration de la politique canadienne. Une politique qui, si cette consultation est sincère, arrivera trop tard pour la rencontre du G7 alors que le Canada est en retard sur ses partenaires.
Au Canada, seulement 11% du plastique est recyclé. Selon le dernier rapport de Plastics Europe, la moyenne européenne, elle, est de 31%, les pays les plus performants (comme la Norvège et la Suède) affichant un taux supérieur à 40 %. On constate la prétention de la cible « déchet zéro » de la ministre.
À moins que le Canada soit prêt à combattre à tout crin l’utilisation inutile du plastique et à forcer l’industrie à assumer une plus large part du fardeau. On en doute, car cette politique sera, comme celle sur les changements climatiques, lestée par les préoccupations économiques. Mme McKenna vise en effet une approche fédérale-provinciale qui fera en sorte «que les plastiques soient réutilisés et recyclés judicieusement, d’une façon qui avantage notre économie et notre environnement». Or la commissaire à l’environnement et au développement durable, Julie Gelfand, disait mardi qu’à la lumière de son dernier rapport et d’audits passés, son équipe et elle «attend[aient] encore de voir le gouvernement intégrer de façon substantielle l’économie, la société et l’environnement».
Si le gouvernement canadien veut être pris au sérieux en juin et convaincre ses homologues, il devra proposer davantage qu’une charte avec de lointains objectifs. Le moment est grave et M. Trudeau doit faire plus que sauver les apparences, il doit réussir, ce qui exige des gestes fermes.