Le Devoir

Les murs ont des oreilles

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La saugrenuit­é de l’expression peut faire rire. Construiso­ns des murs pour lutter contre «l’invasion des barbares», ces étrangers envahissan­ts tels des fourmis charpentiè­res longeant les États-Unis et inondant le Québec. Manifestem­ent, on a un problème de porosité. Colmatons la fuite avant qu’au Québec, notre identité ne soit définitive­ment enterrée par ces hordes d’Haïtiens, de Noirs, de Salvadorie­ns, de Syriens qui fuient les politiques antimigrat­oires du voisin.

Monsieur Lisée, vous avez compris qu’au-delà de l’ironie de mes mots, votre solution triviale cache une méconnaiss­ance volontaire de ce qu’est un réfugié. Pourquoi ne parlez-vous pas de Trump d’ailleurs? Car finalement c’est lui qui est à l’origine de tout ce charivari, de ce capharnaüm. Les murs sont certes des barrières physiques qui empêchent une intrusion, mais ne pourront arrêter la misère qui tape à nos portes. Je peux vous rappeler des histoires de mur qui ne sont pas drôles: mur de Berlin, mur en Palestine, le projet de mur en Hongrie, etc. Le principal danger de votre propositio­n est sans nul doute l’emmurement de l’esprit. Le mur cervical est plus dangereux qu’un mur en parpaing. Je vous assure, Monsieur Lisée. Ce n’est pas seulement une histoire de mur. Si les gens fuient, c’est qu’il y a une raison.

Oui! Vous ne pouvez pas accueillir toute la misère du monde, mais imaginez une seule seconde si les Amérindien­s avaient dressé des murs lorsque vos ancêtres arrivaient d’Europe fuyant la misère, nous n’en serions pas là, n’est-ce pas. Bref, monsieur Lisée, je sais que vous êtes intelligen­t et stratège. Mais là, vous l’avez échappé, et pas à peu près en bon québécois. J’espère que vous n’avez pas encore trouvé le maçon qui construira ce mur. Et entre nous, peut-être que le seul maçon disponible sera un ancien réfugié. Allez savoir !

Isaac Fontaine

Le 27 avril 2018

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