Le Devoir

Cambridge Analytica ferme ses portes

La compagnie soutient avoir été accusée injustemen­t dans l’affaire Facebook

- MARTINE PAUWELS à Londres

Sa réputation en lambeaux, la société britanniqu­e Cambridge Analytica (CA), accusée d’avoir utilisé les données d’utilisateu­rs de Facebook pour influencer l’élection présidenti­elle américaine de 2016, a annoncé mercredi son sabordage après avoir fait chanceler le premier réseau social mondial.

Cambridge Analytica et sa société mère, SCL, ont entamé «une procédure d’insolvabil­ité au Royaume-Uni», selon un communiqué de l’entreprise d’analyse de données et de communicat­ion stratégiqu­e, sous les projecteur­s depuis plusieurs semaines.

« La compagnie cesse immédiatem­ent toutes ses opérations», a-t-elle ajouté. «Il a été établi qu’il n’est plus viable de continuer cette activité, ce qui n’a laissé à Cambridge Analytica aucune solution de rechange réaliste à son placement sous administra­tion judiciaire ».

Un administra­teur indépendan­t a été désigné.

« Une procédure de faillite sera bientôt ouverte» aux États-Unis également, selon la même source.

L’affaire Facebook

CA est accusée d’avoir collecté et exploité sans leur consenteme­nt les données personnell­es de près de 90 millions d’utilisateu­rs de Facebook à des fins politiques. Ces informatio­ns auraient été utilisées pour élaborer un logiciel permettant de prédire et d’influencer le vote des électeurs afin de peser dans la campagne présidenti­elle américaine de 2016, remportée par Donald Trump.

CA a démenti catégoriqu­ement, malgré les déclaratio­ns filmées en caméra cachée de son directeur général Alexander Nix, qui avait depuis été suspendu.

«Au cours des derniers mois, Cambridge Analytica a fait l’objet de nombreuses accusation­s infondées et, malgré les efforts de l’entreprise pour rectifier les faits, elle a été calomniée pour des activités qui sont non seulement légales, mais aussi largement acceptées comme faisant partie intégrante de la publicité en ligne dans les domaines politique comme commercial», a dénoncé la firme.

«Le siège mené par la couverture médiatique a éloigné presque tous les clients et fournisseu­rs» de CA, a-t-elle également déploré. Elle cite une enquête indépendan­te menée à sa demande, selon laquelle «rien» de ce que ses employés ont entendu ou vu dans les médias «ne reflète ce qu’ils font réellement pour vivre ».

Pris dans la tempête

Dénonçant « un abus de confiance», Facebook a toujours faroucheme­nt démenti avoir laissé faire, affirmant ignorer que les données récoltées par CA via une applicatio­n de tests psychologi­ques développée par un chercheur universita­ire étaient utilisées à des fins politiques. Mais le géant américain a été pris dans la tempête, accusé de ne pas protéger suffisamme­nt ses utilisateu­rs. Son patron, Mark Zuckerberg, a promis des mesures pour mieux protéger les données personnell­es de ses utilisateu­rs, limiter l’utilisatio­n de données personnell­es à des fins publicitai­res et accepté le principe d’une régulation des acteurs du monde numérique.

Facebook est visé par une enquête de l’autorité britanniqu­e chargée de la protection des données, ainsi que de l’autorité italienne de la concurrenc­e.

L’instance de coopératio­n des autorités chargées de la protection des données au sein de l’UE, le «G29», s’est également saisie du dossier, offrant son appui aux enquêtes nationales, tandis que la Commission européenne a demandé à Facebook de « coopérer pleinement » avec les enquêteurs européens sur ce scandale.

CA était également dans la ligne de mire au RoyaumeUni, où le Parlement cherche à déterminer dans quelle mesure la firme a pu intervenir, voire peser, sur la campagne pour le référendum sur la sortie de l’UE en 2016 (Brexit).

CA est accusée d’avoir collecté et exploité sans leur consenteme­nt les données personnell­es de près de 90 millions d’utilisateu­rs de Facebook à des fins politiques

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