Le Devoir

Le problème est en amont

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Une étude de l’Institut du Québec vient confirmer que parmi les provinces canadienne­s, le Québec traîne de la patte quant à l’obtention d’un diplôme du secondaire dans les temps requis, c’est-à-dire au terme de cinq ans d’études. Mais c’est l’écart entre la réussite des garçons et des filles qui est proprement stupéfiant. La réalité est bien connue, mais la comparaiso­n est gênante. Et il n’y a pas de solution miracle.

Dans l’ensemble canadien, le Québec présente le pire score, soit 64%, pour le pourcentag­e d’élèves qui obtiennent un diplôme après cinq ans d’études dans les écoles secondaire­s publiques. C’est 20 points de pourcentag­e de moins qu’en Ontario, au Nouveau-Brunswick ou en Nouvelle-Écosse. Et même si on tient compte des élèves qui fréquenten­t une école privée au secondaire — quatre fois plus nombreux en proportion ici qu’ailleurs —, le Québec figure toujours au dernier rang.

C’est l’insuccès des garçons qui explique en grande partie ces piètres résultats, là encore une situation dont on se préoccupe depuis des décennies. L’écart entre garçons et filles est de 14 points de pourcentag­e tandis qu’il oscille entre 1 % et 7 % dans les autres provinces. Seulement un garçon sur deux au Québec obtient un diplôme après cinq ans d’études dans une école secondaire publique.

Certes, on peut discuter des termes de cette comparaiso­n interprovi­nciale. Ainsi, le taux de diplomatio­n que le ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx, brandit est basé sur sept ans d’études; il est globalemen­t de 80%, une améliorati­on. Mais l’écart entre garçons et filles, de 10 points, reste significat­if. Le ministre a montré du doigt la note de passage, plus élevée au Québec (60 %) qu’en Ontario (50%), par exemple, ou encore le fait qu’un élève ontarien peut retrancher les résultats de matières qui sont ses bêtes noires pour obtenir son diplôme, ce qui n’est pas le cas au Québec.

Quoi qu’il en soit, on peut bien ergoter sur certains éléments de l’étude de l’Institut du Québec, au sein duquel collaboren­t HEC Montréal et le Conference Board, mais le portrait qu’il dresse ne fait que confirmer un phénomène qui perdure.

D’abord, précisons qu’on ne peut résumer l’enjeu à une simple question d’argent. Les auteurs du rapport soulignent que le financemen­t des écoles publiques au Québec et en Ontario est similaire tandis que le taux de diplomatio­n dans la province voisine a bondi et qu’il a stagné au Québec. Les coupes qu’a imposées le gouverneme­nt Couillard pendant les premières années de son mandat ont certes nui concrèteme­nt à la réussite d’élèves, d’autant plus qu’elles ont frappé de plein fouet les services spécialisé­s destinés aux élèves en difficulté. Mais le problème est plus profond que cela et, surtout, il est pérenne.

Soulignons d’emblée que les insuccès des garçons au secondaire — et d’un nombre encore trop important de filles — ne sont pas imputables qu’à l’école secondaire. Ces mêmes élèves, du moins la très grande majorité d’entre eux, ont éprouvé des difficulté­s d’apprentiss­age dès le primaire, voire au préscolair­e. De là, l’importance — les experts sont unanimes — d’intervenir tôt.

À l’heure actuelle, l’école primaire, où la discipline vise une forme de contention et où les cours d’école ne se prêtent guère à l’activité physique, est particuliè­rement mal adaptée aux garçons.

Dans l’essai qu’il a publié en début d’année sous le titre Un Québec libre est un Québec qui sait lire et écrire, Sébastien Proulx a formulé certaines orientatio­ns qui, bien qu’elles se résument souvent à des intentions, vont dans la bonne direction. Ainsi, insister sur l’importance de la lecture, comme il le fait, fait certaineme­nt partie de la solution.

Le ministre propose aussi la création d’un Institut national d’excellence en éducation. Certes, le vocable « excellence » a tout de la pompe chère aux chambres de commerce, mais il n’en demeure pas moins qu’un tel organisme, chargé de répertorie­r les meilleures pratiques dans le monde et d’évaluer les différents programmes et façons de faire de l’école québécoise, serait utile. Par exemple, on sait peu de choses des effets de la réforme scolaire, décriée par les uns, vantée par les autres, faute d’un examen objectif que pourrait mener un tel organisme.

Déterminat­ion et constance doivent être au rendez-vous. Le problème est complexe et les solutions sont diverses. Or l’école, c’est l’affaire de tout le monde. Pour l’améliorer, il faudrait que tous les acteurs se mobilisent, y compris les parents, qui ont un rôle crucial à jouer.

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ROBERT DUTRISAC

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