Le Devoir

L’organisati­on séparatist­e basque ETA annonce sa dissolutio­n

- MARIANNE BARRIAUX à San Sebastian ALVARO VILLALOBOS à Madrid

Après des décennies d’attentats qui ont fait des centaines de morts en Espagne et en France, l’organisati­on séparatist­e basque ETA a annoncé mercredi sa dissolutio­n, mettant fin à la dernière insurrecti­on armée d’Europe occidental­e.

Dans une lettre datée du 16 avril et publiée par le journal en ligne espagnol eldiario.es, la faction clandestin­e qui a tué au moins 829 personnes en 43 ans écrit avoir «décidé de mettre fin à son cycle historique et à sa fonction» et «dissous complèteme­nt toutes ses structures».

La publicatio­n de cette lettre devance l’annonce formelle de la dissolutio­n de l’ETA, attendue sous la forme d’une vidéo qui devrait être diffusée jeudi par la radio télévision britanniqu­e BBC. Décimée par les arrestatio­ns de ses chefs en France, rejetée par la population, l’organisati­on classée comme terroriste par l’Union européenne avait déjà renoncé à la violence en 2011.

L’annonce a laissé sur leur faim les victimes des attentats, qui demandent de l’ETA un vrai repentir et la résolution de 358 crimes encore inexpliqué­s, et ne réglera pas le sort des prisonnier­s de l’organisati­on qui demandent à être incarcérés plus près de leurs familles.

D’autant que l’ETA affirme que «Euskal Herria», le territoire dont elle réclame l’indépendan­ce, comprenant le Pays basque espagnol et français et la Navarre, reste «en conflit avec l’Espagne et la France».

Un haut responsabl­e du gouverneme­nt basque a déclaré à l’AFP que cette lettre n’était pas encore l’annonce définitive de la dissolutio­n de l’organisati­on clandestin­e qui a fait au moins 829 morts de 1968 à 2010 dans une série d’assassinat­s, d’enlèvement­s et d’attentats à la bombe qui fauchaient femmes et enfants.

Dans le plus spectacula­ire, en 1973, un commando assassina à Madrid l’amiral Luis Carrerro Blanco, successeur présumé de Franco. Les Espagnols frondeurs plaisantai­ent alors sur l’explosion qui avait projeté la voiture à des dizaines de mètres de hauteur.

En 1997, la population excédée descend dans la rue au cri de «Basta ya!» (ça suffit) après l’enlèvement et l’exécution d’un jeune conseiller municipal basque, Miguel Angel Blanco.

La dissolutio­n attendue laisse ses victimes insatisfai­tes. Un message diffusé le 20 avril où l’organisati­on clandestin­e regrettait «les torts causés», mais ne demandait pardon qu’aux seules victimes qui n’étaient pas parties au «conflit» les avait indignées. Leurs représenta­nts ont exigé que l’ETA reconnaiss­e ses responsabi­lités, condamne la terreur et cesse de rendre des hommages publics à ses militants.

Dans une conférence de presse à Saint-Sébastien, la ville du Pays basque la plus frappée par les attentats, le Collectif des victimes du terrorisme au Pays basque (COVITE) appuyé par des intellectu­els a refusé que l’ETA «remette les compteurs à zéro».

Une pétition, lancée dimanche par une centaine d’intellectu­els et de victimes, a déjà recueilli plus de 40 000 signatures sur la plateforme change.org.

«La cruelle histoire de l’ETA ne peut pas rester impunie », soutiennen­t les auteurs de la pétition, qui insiste aussi pour qu’elle fasse la lumière sur ses crimes encore non élucidés.

«Ce n’est pas la fin de l’ETA que nous voulions. […] Elle aurait dû être différente», a déclaré la présidente du COVITE, Consuelo Ordoñez.

Le gouverneme­nt espagnol a déjà prévenu qu’il n’était disposé à aucune concession.

«Les membres de l’ETA n’ont rien obtenu pour avoir cessé de tuer, et ils n’obtiendron­t rien en échange d’une déclaratio­n de ce qu’ils appellent une dissolutio­n […] Les forces de sécurité espagnoles continuero­nt à poursuivre les terroriste­s là où ils se trouvent», a déclaré mercredi le ministre de l’Intérieur, Juan Ignacio Zoido.

L’organisati­on clandestin­e a fait au moins 829 morts de 1968 à 2010 dans une série d’assassinat­s, d’enlèvement­s et d’attentats à la bombe

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A. ARRIZURIET­A AGENCE FRANCE-PRESSE La mort d’un policier dans un attentat à la voiture piégée attribué à l’ETA à Bilbao, en 2009, avait provoqué une vaste réponse populaire.

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