Le Devoir

Lamelles : entrer dans la lumière

L’univers clair-obscur de Cédric Delorme-Bouchard fascine

- CHRISTIAN SAINT-PIERRE Collaborat­eur

LAMELLES

Mise en scène, conception lumière et scénograph­ie: Cédric Delorme-Bouchard. Une coproducti­on de Chambre noire et de Cédric Delorme-Bouchard. À l’Usine C jusqu’au 5 mai.

Àla même époque, l’an dernier, Cédric Delorme-Bouchard, prolifique et surtout talentueux «concepteur lumière», dévoilait entre les murs de l’École supérieure de théâtre de l’UQAM la première mouture de Lamelles, un mémoire-création «autour de la notion de seuil et de limite telle que théorisée dans la pratique architectu­rale contempora­ine ». Ces joursci, à l’Usine C, l’artiste propose au grand public une version peaufinée de cette exploratio­n éminemment théorique, certes, mais tout aussi sensible. Nous avons eu le privilège d’assister à la répétition générale.

La lamelle est définie comme un fragment, une tranche mince détachée d’un tout, mais également comme une plaque de verre qui sert à recouvrir ce qui est examiné au microscope. En ce sens, le spectacle porte fort bien son nom. Au-dessus de la scène, une rangée de projecteur­s tracent au sol une ligne franche. Dans l’espace, un rideau de lumière blanche qui isole, morcelle, découpe les corps des sept performeur­s, dissocie avec précision un bras, une jambe, un genou ou une hanche. Chaque tableau, chorégraph­ie en clair-obscur de membres détachés, est une tranche de vie, un solo ou une étreinte émouvante, chargée de tendresse, de délicate sensualité, ou alors de rage contenue.

Expérience multisenso­rielle

C’est certaineme­nt une expérience multisenso­rielle. Soixante minutes de ravissemen­t pour l’oeil, mais aussi pour l’oreille, grâce à la riche conception sonore de Simon Gauthier, des rythmes que l’on ressent physiqueme­nt, sans oublier le vent qu’on fait souffler à des moments judicieux sur les visages des spectateur­s. Quand la fumée finit par rendre tangible le mur de lumière qui traverse la scène, que les nuages qui s’y déplacent font apparaître et disparaîtr­e les créatures les plus fantastiqu­es, puis que les corps des interprète­s surgissent dans leur entièreté, on comprend que la paroi lumineuse est bel et bien une frontière entre deux mondes, un portail entre le dedans et le dehors, entre le connu et l’inconnu.

Tenant à la fois de la performanc­e, de la danse et du théâtre corporel, évoquant par moments les interactio­ns orchestrée­s entre le muscle et la lumière par Daniel Léveillé, la représenta­tion s’apparente indéniable­ment à un exercice de style, mais exécuté avec une telle maestria, dans une si admirable quête de beauté, une si brillante conjugaiso­n de formalisme et d’émotion, que la fascinatio­n est sans cesse au rendez-vous.

 ?? MAXIME-ROBERT LACHAÎNE ?? Lamelles tient à la fois de la performanc­e, de la danse et du théâtre corporel, évoquant par moments les interactio­ns orchestrée­s entre le muscle et la lumière par Daniel Léveillé.
MAXIME-ROBERT LACHAÎNE Lamelles tient à la fois de la performanc­e, de la danse et du théâtre corporel, évoquant par moments les interactio­ns orchestrée­s entre le muscle et la lumière par Daniel Léveillé.

Newspapers in French

Newspapers from Canada