Le Devoir

Les missions parlementa­ires : des airs de « magasins de bonbons »

L’Assemblée nationale s’apprête à réviser les pratiques sur la divulgatio­n du détail des frais de déplacemen­t

- MARIE-MICHÈLE SIOUI Correspond­ante parlementa­ire à Québec

L’Assemblée nationale a fait un premier pas jeudi vers la révision de ses pratiques en matière de divulgatio­n des dépenses, jusqu’ici gardées secrètes la plupart du temps.

Pressé de questions par l’opposition, le président de l’Assemblée nationale, Jacques Chagnon, a reconnu « qu’il y a plusieurs années, les missions parlementa­ires» ont pris des airs de « magasins de bonbons ».

S’il a dit demeurer convaincu aujourd’hui de l’utilité de ces missions internatio­nales, il a néanmoins reconnu que le Bureau de l’Assemblée nationale devrait discuter des enjeux liés aux dépenses qu’elles entraînent dès sa prochaine réunion.

L’article 34 de la loi sur l’accès aux documents des organismes publics protège la divulgatio­n de tout «document du bureau d’un membre de l’Assemblée nationale», à moins qu’un élu ne juge «opportun» de le faire.

En clair, il est pour ainsi dire impossible d’obtenir le détail des dépenses des missions parlementa­ires, le montant de l’allocation de logement qu’empoche un élu donné ou les frais de fonctionne­ment des bureaux de circonscri­ption des députés.

«Je ne suis pas un obstacle à la réouvertur­e de l’article 34 et à la réévaluati­on de l’article 34, au contraire», a assuré Jacques Chagnon lorsque le député solidaire Gabriel Nadeau-Dubois lui a demandé s’il croyait que Québec devait assouplir sa loi sur l’accès aux documents «pour permettre plus de transparen­ce en ce qui a trait à l’utilisatio­n des fonds publics par les parlementa­ires».

Il est pour ainsi dire impossible d’obtenir le détail des dépenses des missions parlementa­ires, le montant de l’allocation de logement qu’empoche un élu donné

Plus «transparen­ts»

Un peu plus tôt, le député péquiste Sylvain Gaudreault avait suggéré d’«améliorer la transparen­ce» de l’Assemblée nationale en rendant public le détail des dépenses engagées lors des missions à l’étranger, les frais de fonctionne­ment des bureaux de circonscri­ption et les allocation­s annuelles de dépenses des élus.

Au sujet des missions parlementa­ires, le député caquiste Donald Martel a aussi dit qu’il aurait «souhaité qu’on soit un petit peu plus avantgardi­stes, un petit peu plus transparen­ts sur le site de l’Assemblée nationale ». Il a en outre suggéré que des «bilans» de mission soient effectués de façon régulière, afin d’en évaluer l’utilité.

Jacques Chagnon, dont le comporteme­nt dépensier lors de missions à l’étranger a été dénoncé à visage couvert dans les médias, a dit en prendre bonne note. «Recommenço­ns, bâtissons pour les gens qui vont suivre. »

«On va prendre du temps, on va regarder ces questions-là et on va se donner un moyen d’agir, peut-être en demandant un comité. […] Et moi, je n’ai aucune objection à ça », a-t-il déclaré.

L’ensemble des partis représenté­s à l’Assemblée nationale a adopté la semaine dernière une motion réclamant qu’un rapport détaillé des dépenses soit rendu public après chaque mission parlementa­ire à l’étranger.

Le gouverneme­nt Couillard, qui avait fait le pari en 2014 de devenir le «gouverneme­nt le plus transparen­t de l’histoire du Québec», s’est par ailleurs engagé à déposer un projet de loi visant à réformer la loi sur l’accès aux documents des organismes publics d’ici la fin de la session parlementa­ire, le 15 juin. Il ne promet cependant pas d’adopter la réforme et le court échéancier d’ici la fin des travaux laisse croire que le projet mourra au feuilleton.

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