Un train et 77 camions par jour
Le port de Québec vise le marché des conteneurs pour son expansion
L’impact possible de l’agrandissement du port de Québec commence à se mesurer. On sait désormais que le projet de terminal de conteneurs déchargerait tous les jours des marchandises pour remplir l’équivalent d’un ou deux convois ferroviaires et 77 camions dans la capitale.
C’est du moins ce qu’a laissé entendre jeudi le p.-d.g. du port, Mario Girard, lors d’une rencontre avec les médias. L’organisation estime pouvoir faire transiter différents produits de consommation en provenance du Sud-Est asiatique et soutenir l’exportation «vers la classe moyenne chinoise ».
Baptisé «Beauport 2020», le projet permettrait d’attirer annuellement 500 000 conteneurs, espère-t-on. À titre indicatif, le plus gros port de conteneurs au monde — New York — en fait transiter 6 millions.
Le port de Québec veut ainsi miser sur son quai en eau profonde (15m) pour attirer des bateaux plus gros et concurrencer les ports de la côte est américaine. «On est capable d’aller chercher du trafic qui maintenant ne peut pas venir sur le Saint-Laurent», a plaidé M. Girard.
Rappelons que ce projet nécessite des investissements de 400 millions. Il comprend l’ajout d’un quai de 610 mètres et une avancée de 17 hectares sur le fleuve pour créer un terminal de conteneurs en eau profonde.
Les trains traverseraient la ville à partir du secteur de Beauport-Limoilou vers le pont de Québec et la Rive-Sud. La grande majorité des conteneurs quitteraient le port par train (85%) et le reste, par camion.
Contrairement à d’autres grands projets industriels, Beauport 2020 n’est pas assujetti aux audiences du Bureau d’audiences publiques en environnement (BAPE). Le gouvernement de Philippe Couillard en avait décidé ainsi en 2015, laissant le dossier entre les mains de l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (ACEE).
8000 signatures
En mars, une coalition d’organismes en environnement a lancé une pétition à l’attention de la ministre de l’Environnement Catherine McKenna pour lui enjoindre de rejeter le projet.
Pour Équiterre, Nature Québec et d’autres, Beauport 2020 risque d’entraîner la destruction de milieux naturels et l’augmentation du trafic ferroviaire et routier tout en ternissant les paysages de la baie de Beauport. Plus de 8000 l’ont signée à ce jour.
Le dévoilement du projet de conteneurs en décembre avait causé la surprise, puisque le port de Québec voulait jusqu’à alors miser sur le vrac solide et liquide, laissant le contrôle du marché des conteneurs à Montréal.
Depuis, certains experts ont publiquement remis en question ce choix en faisant valoir que l’industrie n’avait pas intérêt à faire un détour par le Saint-Laurent.
Or selon M. Girard, Québec peut les attirer «parce que ça coûte moins cher ».
«S’ils ont de l’intérêt, c’est parce qu’on est capable de démontrer qu’on est moins cher», dit-il en soulignant que certains ports de la côte est sont «congestionnés », ce qui accroît les temps de déplacement de la marchandise et les coûts.
Le p.-d.g. avance qu’il s’est entouré de consultants aguerris, dont Don Krusel, l’ancien patron du port de Prince Rupert, en Colombie-Britannique. Il affirme aussi avoir été accueilli avec enthousiasme lors de la visite d’une dizaine de clients potentiels à l’international (des lignes maritimes et des opérateurs de terminaux, notamment).
À ceux qui doutent de la capacité du réseau ferroviaire de Québec à accueillir un tel ajout, le p.-d.g. du port rétorque que l’infrastructure est suffisamment en bon état.
Quant à savoir l’impact que cela pourrait avoir sur la rapidité des trains de passagers, il n’était pas en mesure de le dire. À l’heure actuelle, les trains de passagers de VIA Rail sont déjà ralentis par leur obligation de céder le passager aux trains de marchandises.
Un projet pour tout le Québec
M. Girard affirme enfin qu’il s’agit d’un « projet porteur pour tout le Québec» et que le fleuve pourrait éventuellement doubler le nombre de conteneurs qu’il fait circuler, de 1,5 à 3 millions par an.
Suivant ce scénario, Québec pourrait accueillir jusqu’à 700 000 conteneurs alors que Montréal « peut monter à 2,4 millions », dit-il.
Jusqu’à présent, le port de Montréal s’est montré peu emballé par le projet, d’autant qu’il est lui-même en train d’agrandir ses installations à Contrecoeur pour attirer encore davantage de conteneurs.
Interpellée à ce propos en février, la vice-présidente aux affaires publiques Sophie Roux disait «en savoir trop peu sur le projet pour pouvoir en parler ».
«Ce que je connais, c’est la dynamique de marché du conteneur qui est à Montréal depuis 50 ans. […] On a des clients qui en redemandent et qui nous amènent de plus en plus de marchandises année après année. »
Questionné à cet égard jeudi, M. Girard a rétorqué qu’il y avait «un dialogue» avec le port de Montréal.
Une coalition d’organismes en environnement a lancé une pétition à l’attention de la ministre de l’Environnement Catherine McKenna