Est-ce que l’école est faite pour les garçons ?
Je suis surveillant de dîner depuis maintenant sept ans à la CSDM, actuellement à l’école Marguerite-Bourgeoys dans le quartier Centre-Sud. Les enfants ont la chance de fréquenter une belle petite école de 200 élèves avec un personnel et une direction qui travaillent main dans la main au service des enfants. La presque totalité des enfants sont d’origine immigrante et d’un milieu défavorisé. Même les grands et les grandes avec qui je travaille sont respectueux envers les adultes et l’autorité. C’est un charme de travailler avec eux.
Je remarque cependant de grandes différences dans mon groupe entre les garçons et les filles. En général, les garçons sont plus immatures et turbulents et ont plus d’énergie brute à dépenser que les filles. Je dois les contenir pour que cette énergie s’exprime sur le terrain de soccer après le dîner plutôt qu’à la table de la cantine ou dans la transition entre l’intérieur et l’extérieur. Je sors le plus rapidement dehors avec eux le midi, même si les filles aimeraient bien demeurer à l’intérieur… Si vous les voyiez, ces garçons, s’exprimer à fond de train sur le terrain de soccer pendant 40, parfois 60 minutes. Plusieurs ont une force de tir incroyable.
Comment cette énergie peut-elle être évacuée dans l’apprentissage et dans l’école traditionnelle? Je me pose la question.
Il me vient à l’idée que les garçons ont plus besoin que les filles d’un apprentissage sous forme physique, et même mes rapports avec eux s’en portent mieux quand je leur passe la main dans les cheveux, que je leur serre tendrement le cou ou que je leur donne une bonne tape d’encouragement sur l’épaule. Que ce soit pour le français, pour les mathématiques, pour les sciences ou pour d’autres disciplines, il me semble que, pour tenir compte de ce besoin, ces matières devraient être transmises par un «mouvement corporel», un déplacement, une sortie à l’extérieur. Pourquoi ne pas enseigner le français par le théâtre? Ou les sciences et les mathématiques en emmenant les élèves au parc, dans le bois, en camping, à la chasse et à la pêche, d’autant plus que la relève manque? Pourquoi ne pas avoir une approche spécifique pour les garçons? Pour faire cela, il faudrait également plus de professeurs et d’éducateurs masculins, qui ont les mêmes besoins qu’eux à l’école primaire.
Yves Chartrand
Montréal, le 3 mai 2018