Que les jeunes soient nommés selon leur mérite
La semaine dernière, mes fonctions de porte-parole du Parti québécois pour la jeunesse m’ont amenée à interroger le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, dans le cadre de l’étude des crédits budgétaires du Conseil exécutif.
Vous avez été nombreux à prendre connaissance de cet échange depuis. Jamais je n’aurais pu croire que cette étude des crédits susciterait autant de réactions !
Il faut admettre que les faits avaient déjà de quoi faire jaser. En décembre 2016, une loi visant à donner plus de place aux jeunes dans les lieux décisionnels a été votée à l’unanimité des députés de l’Assemblée nationale. Ainsi, un siège devait être réservé à une personne de 35 ans ou moins au sein de chacun des conseils d’administration de nos sociétés d’État. En cherchant de l’information sur les nominations avec l’équipe de recherche du PQ, nous avons trouvé que pas moins de six jeunes sur les onze nommés jusqu’à maintenant en vertu de cette loi ont des liens directs avec le Parti libéral au pouvoir: ex-attachés politiques, militants et donateurs de longue date. Et nous avons été conservateurs dans nos calculs puisque, sur les quatre autres nommés (un des six autres jeunes occupe deux postes simultanément), d’autres avaient aussi des liens avec le PLQ, bien que plus légers.
C’est ce qui m’a amenée à dire au premier ministre qu’à la lumière de ces faits troublants, la nouvelle loi — pourtant excellente dans son essence — avait contribué à instrumentaliser les jeunes pour servir un système de copinage libéral, comme on en a trop souvent vu.
Il va sans dire que le premier ministre en a été pour le moins… agacé.
Au lieu de reconnaître les faits pourtant indéniables et de proposer des pistes de solution pour assurer qu’à l’avenir son gouvernement placerait sur un même pied d’égalité les curriculum vitae de tous les jeunes compétents et disposés à occuper ces fonctions, le premier ministre a fait le mauvais choix: celui d’esquiver les questions légitimes d’une autre parlementaire et, encore pire — j’ose le dire —, de tentatives d’intimidation. Bref, il a fait le choix de la vieille politique, à laquelle il a tenté de m’identifier.
J’ai néanmoins continué à le questionner, à faire le travail pour lequel j’ai été élue: représenter les citoyens et porter leurs voix là où ils devraient être en mesure d’avoir des réponses.
N’en déplaise au premier ministre, la «politique autrement » que j’ai décidé de promouvoir à travers mes gestes et mes prises de position, c’est celle de la justice et de la transparence.
En plus du ton utilisé à mon égard, que tous ont pu constater, certaines déclarations qu’a faites le premier ministre au cours de notre échange ont aussi de quoi soulever de sérieuses interrogations. En effet, à au moins trois reprises, le premier ministre m’a invitée à lui envoyer moi-même des candidatures de jeunes pour qu’il les considère afin de pour voir ces postes réservés aux 35 ans et moins dans les CA des sociétés d’État. En me reprochant mon «comportement» (!), il m’a notamment dit, mot pour mot: «Qu’elle m’indique elle-même des jeunes péquistes, ça va me faire plaisir de les nommer.» C’est dire à quel point le mal est profond !
La question n’est pas de nommer un plus grand nombre de jeunes péquistes dans les CA des sociétés d’État. La question est que la couleur politique ne devrait pas être un facteur de sélection des jeunes pour les postes qui leur sont réservés par la loi. Et, surtout, que cette loi qui vise justement à améliorer la place des jeunes dans les lieux décisionnels ne doit pas être instrumentalisée par une formation politique pour récompenser des années d’emploi ou de militantisme au sein du parti au pouvoir.
Pire encore: le fait que le premier ministre suggère que je devrais moi-même lui envoyer des candidatures augmente et confirme d’autant plus mes craintes sur les modes de nomination.
Plusieurs ont écrit ou dit que ce genre de comportement du premier ministre à mon égard n’incitera certainement pas les jeunes à se lancer ou à s’impliquer en politique.
Au contraire, je crois pour ma part que cela met en lumière pourquoi il est si primordial de le faire.
D’une part, la solidarité dont ont fait preuve mes collègues députés — ainsi que les centaines de citoyens qui m’ont écrit, tant pour souligner mon travail que pour déplorer l’attitude du premier ministre — a de quoi nous rassurer. Ce genre de comportement ne passe pas dans la société, pas plus à l’égard d’une jeune femme parlementaire qu’à l’égard de n’importe qui d’autre. Nous avons tous notre place.
D’autre part, si nous voulons remplacer ceux qui exercent ce style de politique, il faut prendre le leadership et changer les façons de faire. À nous de jouer, maintenant.
La question est que la couleur politique ne devrait pas être un facteur de sélection des jeunes pour les postes qui leur sont réservés par la loi