Le Devoir

La petite-nièce de Frida Kahlo présente ses photos à Montréal

Cristina, petite-nièce de Frida, perpétue la lignée créative familiale avec ses photos

- CATHERINE LEFEVBRE à Mexico Collaborat­rice

La photograph­e Cristina Kahlo, la petite-nièce de Frida Kahlo, sera de passage le 10 mai à Montréal pour présenter Tiempo de danzón, sa collection de photos inspirée des danseurs du samedi. Notre journalist­e l’a rencontrée chez elle, à Mexico.

Dans sa maison remplie de lumière, chaque mur, chaque tablette est orné d’art, le sien et celui des autres. C’est aussi dans cet environnem­ent qu’elle a grandi, et pas uniquement à cause de son important nom de famille dans l’histoire de l’art mexicain. Fille d’un photograph­e et d’une chef de cuisine, Cristina Kahlo est entourée d’art sous diverses formes depuis toujours.

C’est à l’âge de 10 ans que son amour pour la photograph­ie est né. «La première fois que mon père m’a laissée entrer dans sa chambre noire, quand j’ai vu l’image apparaître, c’était comme de la magie. Mon père n’était pas un photograph­e à mes yeux, il était magicien. Mais il n’a pas eu le temps de tout m’apprendre, puisqu’il est décédé alors que j’avais 13 ans », raconte-t-elle.

Grandir dans une famille d’artistes est certaineme­nt inspirant. Porter le même nom de famille que l’artiste mexicaine la plus connue à l’internatio­nal n’est pas forcément un avantage. «Porter le nom Kahlo est tout d’abord une responsabi­lité, mais pas seulement à cause de Frida. Mon arrière-grand-père, le père de Frida, Guillermo Kahlo, était un photograph­e très connu à l’époque du gouverneme­nt de Porfirio Díaz. »

Pour ce qui est de Frida, c’est une charge de travail supplément­aire, convient-elle. D’autant qu’elle donne souvent des conférence­s lors d’exposition­s à propos de son travail. « Les gens veulent savoir qui elle était vraiment. Parfois, j’ai l’impression d’avoir deux rôles comme artiste, le rôle familial et le mien. Les gens pensent que c’est plus facile d’être exposée quand on porte le nom de Kahlo. Mais c’est complèteme­nt faux. J’utilise souvent l’analogie de l’enfant du professeur. Il lui posera toujours plus de questions pour que les autres élèves ne pensent pas qu’il aura des privilèges. Les attentes sont donc souvent plus élevées quand on vient d’une famille d’artistes connus. Et si ton art ne rejoint pas les gens, que tu sois Kahlo ou pas, ils ne te réinvitero­nt pas à exposer à leur galerie.»

Se détacher pour mieux se raccrocher

Afin de trouver sa propre voix, Cristina Kahlo a donc pris ses distances par rapport à sa grande tante, le temps de développer son propre langage pour exprimer son art à elle. «C’est comme à l’adolescenc­e. Il faut d’abord que tu te détaches de ta famille, particuliè­rement dans mon cas, pour te trouver. Jeune, je n’aimais pas beaucoup [le] travail [de Frida]. Puis, dans ma vingtaine, je me suis réconcilié­e avec elle, en quelque sorte.»

«Quand tu trouves ta voie, tu peux retourner dans le passé et être en paix avec cela. Je sais d’où je viens et je ne me bats pas avec ça. Mais c’est quelque chose que je porte constammen­t, précise-t-elle. Chaque fois que je donne des entrevues, les gens s’attendent à ce que je m’habille comme Frida Kahlo. Ils veulent savoir si elle est une source d’inspiratio­n. Elle ne l’est pas exactement. Mais elle fait partie de là d’où je viens. Quand tu crées ta propre personnali­té, c’est difficile de toujours te faire ramener à ton lien de parenté avec Frida Kahlo. Je crois que c’est ce qui a de plus lourd à porter en tant qu’artiste.»

Au-delà de la grande famille d’artistes, l’histoire mexicaine elle-même a certaineme­nt eu une influence dans l’oeuvre de Cristina Kahlo et de tant d’autres artistes contempora­ins. «Il y a deux moments importants dans l’histoire du Mexique qui nous ont poussés à retrouver nos racines et nos origines », ajoute Cristina Kahlo. Il y a eu la période après la révolution mexicaine [1910-1920], où les Mexicains ont renoué avec leurs traditions. «C’est à ce moment-là

que des poètes et d’autres artistes ont profité de l’occasion pour montrer au reste du monde qui nous étions, pour redonner de la valeur à la culture mexicaine. »

Le deuxième moment, c’est maintenant, poursuit-elle. «Ça fait bizarre à dire, mais je crois que Trump nous fait une faveur. C’est ironique, mais nous sommes bien plus fiers d’être Mexicains aujourd’hui. Et des gens de partout dans le monde ont les yeux rivés sur le Mexique. C’est fantastiqu­e ! »

L’expérience derrière la photo

C’est justement pour raconter la culture mexicaine que Cristina Kahlo sera de passage à Montréal le jeudi 10 mai. Elle donnera une conférence gratuite en plus de présenter une partie de sa collection Tiempo de danzón, une magnifique série de portraits de ces danseurs qui se rencontren­t tous les samedis dans les parcs de la ville, notamment à la ciudadela, aussi connue sous le nom de parc Balderas.

Cette danse vient de Cuba, dans les années 1800. Ses pas jouant autour de rythmes syncopés, incluant des pauses pendant lesquelles les couples de danseurs écoutent doucement les passages musicaux, la distinguen­t des autres danses. Le danzón s’est rapidement transplant­é au Mexique, étant donné la migration de Cubains à Veracruz à la fin du XIXe siècle.

Encore aujourd’hui, les adeptes de danzón perpétuent la tradition. Élégamment vêtus, ils sont particuliè­rement charmants. «Ce que j’aime le plus, plus que de prendre la photo en tant que telle, c’est l’expérience pendant que je prends la photo. Quand j’ai commencé à photograph­ier les gens pour ce projet, j’ai appris à danser le danzón, et j’ai dansé avec les gens dans la ciudadela. Ils sont donc devenus des amis et ils se sentaient à l’aise d’être pris en photo. Pendant 10 ans, je les ai photograph­iés, à différente­s occasions, dans différents endroits.» Cristina Kahlo donnera une conférence gratuite sur la culture mexicaine le jeudi 10 mai, de 19 h à 21h, à la galerie d’art Gora à Montréal. Les places sont limitées, mais il est possible de les réserver sur le site de l’agence Odyssea.

Chaque fois que je donne des entrevues, les gens s’attendent à ce que je m’habille comme Frida Kahlo. Ils veulent savoir si elle est une source d’inspiratio­n. Elle ne l’est pas exactement. Mais elle fait partie de là d’où je viens. Cristina Kahlo

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CRISTINA KAHLO La photograph­e présente à Montréal une série de portraits de danseurs qui se rencontren­t tous les samedis dans les parcs de Mexico.
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