Le Devoir

Amir Khadir passe le relais dans Mercier

- STÉPHANE BAILLARGEO­N

C’est peut-être le hasard ou la providence ou encore une loi du matérialis­me historique. En tout cas, Amir Khadir, premier député de la formation de gauche Québec solidaire, élu en 2008, a annoncé le vendredi 5 mai qu’il ne se représente­ra pas aux prochaines élections générales, soit le jour du 200e anniversai­re de naissance de Karl Marx.

M. Khadir n’a pas souligné l’étrange synchronic­ité, mais il a passé une partie de son discours d’adieu aux lourdes armes politiques à redire ses conviction­s qu’il faut changer le système et sortir du capitalism­e démonté par Marx.

«Il faut remettre en question tout ce qu’il faut remettre en question pour mettre à la place des choses meilleures, a-t-il dit. Il faut remettre tout en question, il faut peut-être trouver le génie de dépasser le capitalism­e, si c’est ça que ça prend pour sauver notre planète. »

Les applaudiss­ements ont fusé dans le local de la circonscri­ption de Mercier, celle du Plateau-Mont-Royal, où étaient réunis des dizaines de militants pour l’annonce fatidique. Il a émaillé son discours comme ses entrevues d’attaques senties contre Lucien Bouchard («embobiné par le diktat du marché et le modèle néolibéral de l’austérité»), les péquistes et leur charte des valeurs (pour «fomenter du ressentime­nt») ou encore Pierre Karl Péladeau et des chroniqueu­rs de Québecor, dont Joseph Facal, zélateur des conservati­smes fiscaux et identitair­es.

Un médecin

Amir Khadir quittera ses fonctions électives début octobre. Il promet de redistribu­er sa prime de transition profession­nelle à des organismes communauta­ires de sa circonscri­ption. Lui-même retournera à son travail de médecin, une profession tout à fait compatible avec l’engagement politique, a-t-il ajouté.

«Après tout, la politique, c’est quoi? C’est une bonne médecine appliquée au plus grand nombre». Il souligne que la politique peut être plus utile que la médecine, par exemple pour diminuer la pauvreté. Voilà d’ailleurs pourquoi il ne quittera ni l’une ni l’autre.

«Québec solidaire, c’est ma maison. Je quitte [l’Assemblée nationale] pour retourner à QS, pour y occuper d’autres fonctions. »

Son collègue de banquette à l’Assemblée, Gabriel NadeauDubo­is, résume par une autre formule ce changement de rôle. « Amir ne peut pas quitter la politique et la politique ne peut pas quitter Amir», dit-il en rappelant la posture morale qu’il représenta­it selon lui à l’Assemblée nationale.

«Je veux souligner son immense contributi­on à la vie démocratiq­ue québécoise, dit le jeune député de QS. Il s’est tenu droit dans une période de marasme et de corruption. »

M. Nadeau-Dubois a été élu dans Gouin après le départ de l’Assemblée de Françoise David, autre figure tutélaire de QS.

«Il y a un an, quand Françoise est partie, les éditoriaux et les analyses étaient très pessimiste­s, dit-il. Un an plus tard, on a plus de membres que jamais, malgré ce départ. Il y a maintenant un changement de génération à QS. »

Voilà pourquoi il quitte l’Assemblée nationale, renchérit le député Khadir, âgé de 57 ans. Parce que c’était une promesse et que c’est maintenant une nécessité, dit-il.

«Depuis nos débuts, nous nous étions promis de changer la culture politique: pas de chef, la parité et l’alternance devant les micros, décentrali­sation, transparen­ce… Dans cette structure démocratiq­ue, on ne peut admettre ni carriérism­e ni personnali­sation à outrance de la politique. »

La personne qui se présentera à sa place au prochain scrutin général sera choisie par les militants en assemblée d’investitur­e. Une première candidatur­e «de haute qualité», assurent les porte-parole, se fera connaître dès la semaine prochaine.

Lire aussi › Une approche combative et consensuel­le. Un texte du sociologue et essayiste Pierre Mouterde. Page B 9

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