Amir Khadir passe le relais dans Mercier
C’est peut-être le hasard ou la providence ou encore une loi du matérialisme historique. En tout cas, Amir Khadir, premier député de la formation de gauche Québec solidaire, élu en 2008, a annoncé le vendredi 5 mai qu’il ne se représentera pas aux prochaines élections générales, soit le jour du 200e anniversaire de naissance de Karl Marx.
M. Khadir n’a pas souligné l’étrange synchronicité, mais il a passé une partie de son discours d’adieu aux lourdes armes politiques à redire ses convictions qu’il faut changer le système et sortir du capitalisme démonté par Marx.
«Il faut remettre en question tout ce qu’il faut remettre en question pour mettre à la place des choses meilleures, a-t-il dit. Il faut remettre tout en question, il faut peut-être trouver le génie de dépasser le capitalisme, si c’est ça que ça prend pour sauver notre planète. »
Les applaudissements ont fusé dans le local de la circonscription de Mercier, celle du Plateau-Mont-Royal, où étaient réunis des dizaines de militants pour l’annonce fatidique. Il a émaillé son discours comme ses entrevues d’attaques senties contre Lucien Bouchard («embobiné par le diktat du marché et le modèle néolibéral de l’austérité»), les péquistes et leur charte des valeurs (pour «fomenter du ressentiment») ou encore Pierre Karl Péladeau et des chroniqueurs de Québecor, dont Joseph Facal, zélateur des conservatismes fiscaux et identitaires.
Un médecin
Amir Khadir quittera ses fonctions électives début octobre. Il promet de redistribuer sa prime de transition professionnelle à des organismes communautaires de sa circonscription. Lui-même retournera à son travail de médecin, une profession tout à fait compatible avec l’engagement politique, a-t-il ajouté.
«Après tout, la politique, c’est quoi? C’est une bonne médecine appliquée au plus grand nombre». Il souligne que la politique peut être plus utile que la médecine, par exemple pour diminuer la pauvreté. Voilà d’ailleurs pourquoi il ne quittera ni l’une ni l’autre.
«Québec solidaire, c’est ma maison. Je quitte [l’Assemblée nationale] pour retourner à QS, pour y occuper d’autres fonctions. »
Son collègue de banquette à l’Assemblée, Gabriel NadeauDubois, résume par une autre formule ce changement de rôle. « Amir ne peut pas quitter la politique et la politique ne peut pas quitter Amir», dit-il en rappelant la posture morale qu’il représentait selon lui à l’Assemblée nationale.
«Je veux souligner son immense contribution à la vie démocratique québécoise, dit le jeune député de QS. Il s’est tenu droit dans une période de marasme et de corruption. »
M. Nadeau-Dubois a été élu dans Gouin après le départ de l’Assemblée de Françoise David, autre figure tutélaire de QS.
«Il y a un an, quand Françoise est partie, les éditoriaux et les analyses étaient très pessimistes, dit-il. Un an plus tard, on a plus de membres que jamais, malgré ce départ. Il y a maintenant un changement de génération à QS. »
Voilà pourquoi il quitte l’Assemblée nationale, renchérit le député Khadir, âgé de 57 ans. Parce que c’était une promesse et que c’est maintenant une nécessité, dit-il.
«Depuis nos débuts, nous nous étions promis de changer la culture politique: pas de chef, la parité et l’alternance devant les micros, décentralisation, transparence… Dans cette structure démocratique, on ne peut admettre ni carriérisme ni personnalisation à outrance de la politique. »
La personne qui se présentera à sa place au prochain scrutin général sera choisie par les militants en assemblée d’investiture. Une première candidature «de haute qualité», assurent les porte-parole, se fera connaître dès la semaine prochaine.
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