Le p.-d.g. d’Air France-KLM démissionne
Il avait annoncé qu’il quitterait son poste advenant un résultat négatif sur le projet d’accord salarial. Déjouant les pronostics, les syndiqués ont rejeté la proposition à 55,44 %.
Le patron d’Air France, Jean-Marc Janaillac, a annoncé vendredi sa démission après le rejet-surprise d’un projet d’accord salarial soumis au vote du personnel par le p.d.g., qui avait fait dépendre son maintien à son poste au résultat de cette consultation.
« J’assume les conséquences de ce vote et je remettrai dans les prochains jours ma démission aux conseils d’administration d’Air France et d’Air France-KLM », a déclaré M. Janaillac, le visage fermé face aux journalistes, regrettant un «immense gâchis qui ne peut que réjouir nos concurrents, fragiliser nos alliances et déboussoler nos équipes».
Selon un communiqué de la compagnie, qui connaissait vendredi sa 13e journée de grève depuis février, le p.-d.g., âgé de 65 ans et aux commandes du groupe Air FranceKLM depuis juillet 2016, convoquera le conseil d’administration pour le 9 mai.
L’accord salarial proposé par la direction prévoyait de 2018 à 2021 «des augmentations générales de salaire de 7% sur quatre ans, s’ajoutant aux augmentations individuelles», contre 1% en 2018 en deux temps initialement. Déjouant les pronostics, le personnel a rejeté à 55,44% le projet d’accord. Les 46 771 salariés d’Air France (sous contrat français) étaient invités à répondre à la question: «Pour permettre une issue positive au conflit en cours, êtes-vous favorable à l’accord salarial proposé le 16 avril 2018?»
Eu égard au taux de participation de 80,3%, M. Janaillac a constaté que «chacun tenait à faire entendre sa voix». «Ce vote est la traduction d’un malaise, il appelle une transformation profonde», a-t-il ajouté, espérant que son départ permettra «une prise de conscience collective et d’amorcer les conditions d’un rebond ».
En annonçant l’organisation de cette consultation sans valeur juridique, décidée après l’échec des discussions avec les syndicats grévistes, le p.-d.g. avait averti qu’il quitterait son poste en cas de résultat négatif. Le premier ministre, Édouard Philippe, avait salué sa position «courageuse», incitant «tout le monde à boucler sa ceinture de sécurité» en cas de départ de M. Janaillac dans ces conditions, «parce que les turbulences […] ne seraient pas minimes».
Cette démission survient le jour même de l’annonce par le groupe d’une perte nette de 269 millions d’euros au premier trimestre, plombé par trois journées de grève (22 février, 23 et 30 mars) d’Air France sur cette période. Le coût des 11 premiers jours de grève est évalué à «300 millions d’euros», soit un peu plus de 25 millions par jour pour le groupe, qui prévoit d’ores et déjà un résultat d’exploitation en 2018 «en baisse sensible par rapport à 2017», quand il avait atteint 1,9 milliard d’euros.
Au point mort
Vendredi, les négociations avec les syndicats d’Air France semblaient plus que jamais au point mort, aussi bien sur les revendications salariales que sur d’autres accords internes en discussion. «Si le non l’emporte […], on rentre dans une crise majeure», même si «la grève s’arrêtera peut-être, parce qu’elle n’aura plus aucun sens» sans «patron pour négocier», estimait Béatrice Lestic, du syndicat CFDT (non gréviste), avant la publication du résultat de la consultation.
L’intersyndicale appelant à la grève réclame pour le personnel sa «part du gâteau» après les résultats solides enregistrés par le groupe en 2017. Elle demande 5,1% d’augmentation en deux temps en 2018 (+3,8% en avril et +1,3 % en octobre) au titre d’un «rattrapage» nécessaire, après six ans de gel des grilles salariales.
Ces revendications sont considérées par la direction comme une remise en cause des efforts déployés ces dernières années pour rattraper le retard de compétitivité de la compagnie, toujours aux prises avec une très forte concurrence des compagnies du Golfe, mais aussi en Europe avec des compagnies au rabais dynamiques. Avec une marge d’exploitation de 555 millions d’euros, contre 910 millions pour KLM, la compagnie se situe «encore loin derrière beaucoup de ses compétiteurs», selon la direction.