Le Devoir

Fini le fruit, place au dégel

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Le ministre responsabl­e des Relations canadienne­s, Jean-Marc Fournier, a dévoilé, mercredi dernier, le plan d’action 2018-2022 de la Politique d’affirmatio­n du Québec. Ce fut également l’occasion pour lui de présenter un bilan de cette initiative lancée il y a près d’un an. Un bilan dont la modestie est en phase avec les visées gouverneme­ntales.

Pour Jean-Marc Fournier, qui a annoncé qu’il ne se représenta­it pas aux prochaines élections, l’exercice, qui a fait l’objet d’un simple point de presse, prenait les allures d’un dernier tour de piste, en quelque sorte, sur un sujet auquel l’étudiant à la maîtrise, puis le conseiller politique, puis le député et, enfin, le ministre a consacré réflexions et énergies, c’est-à-dire la place du Québec dans un Canada uni.

À la surprise des journalist­es présents, le ministre en a profité pour enterrer la métaphore du « fruit qui n’est pas mûr » qu’avait popularisé­e le premier ministre Jean Charest il y a plus de dix ans pour qualifier l’impossibil­ité d’entamer des discussion­s avec le reste du Canada afin que la nation québécoise, ou son ersatz, la société distincte, soit reconnue dans la Constituti­on.

Ainsi, le fruit n’a pu mûrir depuis la présentati­on de la politique d’affirmatio­n en juin dernier puisque «le fruit, pour qu’il apparaisse sur la plante, il faut d’abord que la plante reprenne de la vigueur, et le dégel permet au moins à la plante de commencer à prendre de la vigueur», a-t-il illustré dans une de ses circonvolu­tions dont on pourrait peut-être s’ennuyer un jour.

Évidemment, de passer d’un fruit à une plante qui émerge du dégel peut passer pour un recul, ou une régression, mais le ministre voit les choses autrement: ce dégel est un accompliss­ement.

Sur le plan politique, Jean-Marc Fournier a cité le discours que Kathleen Wynne a prononcé à l’Assemblée nationale — elle a dit vouloir contribuer à la discussion — ainsi que les ouvertures manifestée­s par le Nouveau Parti démocratiq­ue et le Parti conservate­ur.

Il est difficile de juger de la valeur de cette politique puisque ses objectifs sont de l’ordre des bonnes intentions; elle ne vise qu’à contribuer au dialogue entre le Québec et le reste Canada, à lui «faire mieux connaître le Québec et sa spécificit­é». Comme si c’était son ignorance de la réalité québécoise qui était en cause. L’intitulé même de la politique — «Québécois, notre façon d’être Canadiens» — est ambigu: être soi-même, c’est une façon d’être quelqu’un d’autre. Elvis Gratton en perdrait son latin.

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ROBERT DUTRISAC

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