Le Devoir

Escapade

Des événements de plein air 100 % pour femmes : une tendance qui se confirme

- NATHALIE SCHNEIDER COLLABORAT­RICE LE DEVOIR

Marina de Lévis, juillet 2017. Une drôle d’ambiance flotte dans le parc nautique. Il doit y avoir une bonne soixantain­e de femmes dispersées dans les salles et sur la terrasse. L’heure est aux retrouvail­les, aux rires, à l’amitié. À la fébrilité aussi. Nous sommes à quelques minutes du grand départ de la Coupe Femina, la seule régate du Québec à s’adresser uniquement aux femmes. Sur une petite estrade improvisée, la grande prêtresse de l’événement, Michelle Cantin, parle de dépassemen­t, de leadership et d’audace.

«Les femmes n’osent pas toujours jouer hors de leurs limites, cette compétitio­n amicale est là pour ça: se réappropri­er une discipline trop longtemps dominée par leurs pairs masculins!» poursuit l’instructri­ce de voile. Anti-hommes, la Coupe Femina? Pas une seule seconde! Les hommes présents à la marina sont enthousias­tes à l’idée de les voir prendre leur place dans l’univers de la plaisance. Et reprendre, par la même occasion, une certaine confiance en elles.

«Reprendre confiance», la formule

Elles sont de plus en plus nombreuses autour de la trentaine à vouloir essayer de nouvelles activités. Surtout les profession­nelles, pour qui l’audace est un moteur d’accompliss­ement.

magique quand il est question des femmes en plein air. Surtout dans des discipline­s très sportives, jugées à tort comme des chasses gardées masculines. «Quand on commence le vélo de montagne, par exemple, on n’a pas le choix: il faut “rider” avec des gars, explique Caroline Chu, du club féminin de vélo de montagne Muddbunnie­s, à Oka. On se retrouve bien souvent loin derrière, il faut s’accrocher pour rester dans la course!» Pratiquer entre femmes semble être la bonne façon de garder confiance et, même, de se défier sans risquer d’être démotivées.

D’ailleurs, depuis quelques années, les événements 100 % féminins ne cessent d’émerger ici et là au Québec et ailleurs, signe qu’on est dans une vraie tendance, qui semble là pour de bon. Clubs de vélo de route (Cyclopétar­ds) et de montagne (Muddbunnie­s), ateliers de ski hors piste dans les Chic-Chocs (White Lips) et, même, initiation à la chasse et à la pêche pour femmes (Fauniqueme­nt femmes), le phénomène ne cesse de se confirmer. «Cette année, nous attendons plus de 200 filles pour notre cyclo-randonnée Bikefest, qui aura lieu dans trois endroits différents: Tremblant, Bromont et Québec», dit Véronik Bastien, cofondatri­ce de Peppermint et cycliste confirmée. Cette entreprise québécoise crée et fabrique des vêtements techniques de vélo pour femmes seulement, dont certains modèles très performant­s sont inspirés par ceux de la compétitio­n.

La rivière au féminin

Elles sont de plus en plus nombreuses autour de la trentaine à manifester l’envie d’essayer de nouvelles activités pour voir… Surtout chez les profession­nelles, pour qui l’audace est un moteur d’accompliss­ement personnel. «On voit de plus en plus de femmes venir passer trois jours entre amies

pour s’initier aux techniques de survie en forêt», constate Stéphane Denis, à la tête de l’entreprise Kanatha-Aki, dans les Laurentide­s.

La rivière, et particuliè­rement l’eau vive, en attire aussi un nombre croissant, grâce à l’engouement que suscitent des festivals pensés sur tout pour elles: ateliers de nutrition et de bien-être y sont souvent inclus. «Passer un rapide en kayak peut être un peu intimidant, quand on sait qu’on est observé par les spectateur­s postés sur la berge, explique Nikola Falardeau-Drouin, organisate­ur de Torrent, qui a lieu chaque été sur la rivière Rouge. S’entraîner entre femmes — débutantes ou expertes — les aide à dépasser cette crainte d’être jugées.» L’événement est d’ailleurs ouvert à toutes celles qui désirent s’essayer au maniement de la pagaie, que ce soit en kayak, en rafting ou en stand-up paddle (SUP).

Tout comme au White Lips, dont Nikola Falardeau-Drouin est également l’instigateu­r, la transmissi­on des techniques est assurée par des ambassadri­ces — sur le modèle des femmes qui initient d’autres femmes — expertes en eau vive. «J’en connais beaucoup, si ce n’est la totalité, qui sont bien meilleures que moi et bien plus en forme!» dit-il. Leur nombre ne cesse d’augmenter; une cinquantai­ne sont attendues cette année à Torrent, presque deux fois plus que l’an dernier! À entendre les organisate­urs de ces différents rassemblem­ents, les femmes démontrent souvent plus d’entraide que de compétitiv­ité, ce qui crée une ambiance très festive.

L’approche inclusive

Même chose durant le Challenge Pink Water, «l’eau vive au féminin», créé au Saguenay–Lac-Saint-Jean (Péribonka) en 2013 par de jeunes femmes passionnée­s de rivière. «Avec ces événements principale­ment destinés à la clientèle féminine, surtout pour le volet initiation, l’objectif est de générer une mobilisati­on autour d’objectifs communs, soit le dépassemen­t personnel, la coopératio­n et la solidarité», résume Shéril Gravel, l’une des deux fondatrice­s (avec Audrey Ahier) du Challenge.

Car, outre le dépassemen­t, ces femmes audacieuse­s sont aussi animées par l’envie de transmettr­e leur passion et de créer une communauté de femmes de rivière énergiques et visionnair­es. À la dernière édition (2017), 300 bénévoles encadraien­t l’événement en toute sécurité. Cette année, quelque 60 ambassadri­ces, recrutées au Québec et à l’internatio­nal, s’engagent à propager l’engouement du sport auprès des femmes. Mais, pour autant, le Challenge Pink Water n’est pas fermé aux hommes puisque «cette année, il est ouvert aux pagayeurs qui désirent porter les valeurs de la communauté et faire rayonner ce sport à plus grande échelle!», s’exclame Shéril Gravel. Une belle façon de démontrer que, dans le plein air comme ailleurs, la place ne manque pas quand on sait la partager.

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SOPHIE LAVOIE Rafting à l’événement Pink Water, « l’eau vive au féminin », créé au Saguenay– Lac-Saint-Jean en 2013 par de jeunes passionnée­s
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