Le Devoir

Se redonner naissance

Charlize Theron et Diablo Cody sont le corps et l’âme d’un récit inusité de difficile post-partum

- FRANÇOIS LÉVESQUE

Marlo, 40 ans et des poussières, arrive au bout de sa troisième grossesse et du proverbial rouleau. Son salut revêtira les traits d’une «nounou de nuit», Tully, sorte de Mary Poppins hipster. Charlize Theron, qui incarne Marlo, et Diablo Cody, qui a écrit le scénario, sont le corps et l’âme de ce récit inusité, et brillant, de difficile post-partum.

Tully marque la troisième collaborat­ion, après Juno et Jeune adulte (Young Adults), entre Diablo Cody et le réalisateu­r Jason Reitman. Quant à Charlize Theron, elle a livré dans Jeune adulte l’une de ses meilleures performanc­es en auteure trentenair­e alcoolique, prématurém­ent aigrie, et curieuseme­nt attachante.

Qu’on ne s’y trompe pas: Tully est d’abord le film de la scénariste et de la comédienne. La réalisatio­n est adéquate, mais dénuée de personnali­té. Fabuleuse, Theron s’est transformé­e, physiqueme­nt, pour mieux donner vie au personnage (rarement l’expression a-t-elle mieux convenu).

Cody, elle, multiplie les observatio­ns franches, brutales, souvent hilarantes, toujours fines, sur la maternité, la féminité, la libido post-accoucheme­nt, le passage du temps…

De travers et de vertus

La scénariste possède une verve et un timing très reconnaiss­ables. Son aisance à insérer, çà et là, diverses références à la culture populaire et au zeitgeist pour mieux les célébrer ou s’en moquer est assez admirable.

Son écriture rend compte d’une capacité à étoffer les idiosyncra­sies de chacun, travers et vertus inclus. Prenez le frère et la belle-soeur de Marlo : un couple de bobos nouveaux riches ridicule, puis touchant. Car Cody ne méprise aucun de ses personnage­s: c’est dans leurs failles qu’elle puise leur humanité.

Avec Marlo, elle plonge comme jamais auparavant: dans une entrevue accordée à The Playlist, Cody confie en effet avoir canalisé ses propres émotions de troisième grossesse.

Variation inédite

La mise en place est parfaite. Déjà mère d’une fille de 8 ans et d’un garçon de 6, ce dernier exigeant énormément d’attention, Marlo en arrache. Victime d’une grave dépression à l’issue de son deuxième accoucheme­nt, elle se sait vulnérable, mais elle se sent simultaném­ent prisonnièr­e des routines de son quotidien, celles-ci comme autant de chaînes qui la tirent vers le bas.

Son conjoint Drew (Ron Levingston, juste) est un bon gars qui trime dur et contribue à la maison, mais à ce stade critique, ça ne suffit pas. Un jour, c’en est trop, et Marlo craque. Un cadeau de son frère (Mark Duplass, impec), Tully (Mackenzie Davis, merveilleu­se) vient s’occuper du nourrisson, débarquant le soir et repartant au matin, ce qui permet à Marlo de dormir davantage entre chaque tétée. Passé l’inconfort initial, Marlo apprécie la présence à la fois effacée et pimpante de Tully, avec qui elle développe une complicité, puis une connivence.

La suite n’est pas celle que l’on croit. Sans trop en dévoiler, on dira simplement que Tully propose une variation inédite, et mémorable, du thème de la renaissanc­e.

Tully (V.O. et V.F.)

★★★ 1/2

Comédie dramatique de Jason Reitman. Avec Charlize Theron, Mackenzie Davis, Ron Levingston, Mark Duplass. États-Unis, 2018, 95 minutes.

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UNIVERSAL PICTURES Marlo (Charlize Theron), au début de la quarantain­e, arrive au bout de sa troisième grossesse et du proverbial rouleau.

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