Se redonner naissance
Charlize Theron et Diablo Cody sont le corps et l’âme d’un récit inusité de difficile post-partum
Marlo, 40 ans et des poussières, arrive au bout de sa troisième grossesse et du proverbial rouleau. Son salut revêtira les traits d’une «nounou de nuit», Tully, sorte de Mary Poppins hipster. Charlize Theron, qui incarne Marlo, et Diablo Cody, qui a écrit le scénario, sont le corps et l’âme de ce récit inusité, et brillant, de difficile post-partum.
Tully marque la troisième collaboration, après Juno et Jeune adulte (Young Adults), entre Diablo Cody et le réalisateur Jason Reitman. Quant à Charlize Theron, elle a livré dans Jeune adulte l’une de ses meilleures performances en auteure trentenaire alcoolique, prématurément aigrie, et curieusement attachante.
Qu’on ne s’y trompe pas: Tully est d’abord le film de la scénariste et de la comédienne. La réalisation est adéquate, mais dénuée de personnalité. Fabuleuse, Theron s’est transformée, physiquement, pour mieux donner vie au personnage (rarement l’expression a-t-elle mieux convenu).
Cody, elle, multiplie les observations franches, brutales, souvent hilarantes, toujours fines, sur la maternité, la féminité, la libido post-accouchement, le passage du temps…
De travers et de vertus
La scénariste possède une verve et un timing très reconnaissables. Son aisance à insérer, çà et là, diverses références à la culture populaire et au zeitgeist pour mieux les célébrer ou s’en moquer est assez admirable.
Son écriture rend compte d’une capacité à étoffer les idiosyncrasies de chacun, travers et vertus inclus. Prenez le frère et la belle-soeur de Marlo : un couple de bobos nouveaux riches ridicule, puis touchant. Car Cody ne méprise aucun de ses personnages: c’est dans leurs failles qu’elle puise leur humanité.
Avec Marlo, elle plonge comme jamais auparavant: dans une entrevue accordée à The Playlist, Cody confie en effet avoir canalisé ses propres émotions de troisième grossesse.
Variation inédite
La mise en place est parfaite. Déjà mère d’une fille de 8 ans et d’un garçon de 6, ce dernier exigeant énormément d’attention, Marlo en arrache. Victime d’une grave dépression à l’issue de son deuxième accouchement, elle se sait vulnérable, mais elle se sent simultanément prisonnière des routines de son quotidien, celles-ci comme autant de chaînes qui la tirent vers le bas.
Son conjoint Drew (Ron Levingston, juste) est un bon gars qui trime dur et contribue à la maison, mais à ce stade critique, ça ne suffit pas. Un jour, c’en est trop, et Marlo craque. Un cadeau de son frère (Mark Duplass, impec), Tully (Mackenzie Davis, merveilleuse) vient s’occuper du nourrisson, débarquant le soir et repartant au matin, ce qui permet à Marlo de dormir davantage entre chaque tétée. Passé l’inconfort initial, Marlo apprécie la présence à la fois effacée et pimpante de Tully, avec qui elle développe une complicité, puis une connivence.
La suite n’est pas celle que l’on croit. Sans trop en dévoiler, on dira simplement que Tully propose une variation inédite, et mémorable, du thème de la renaissance.
Tully (V.O. et V.F.)
★★★ 1/2
Comédie dramatique de Jason Reitman. Avec Charlize Theron, Mackenzie Davis, Ron Levingston, Mark Duplass. États-Unis, 2018, 95 minutes.