Le Devoir

La déchéance du roi

- Myriame Ezelin Cégep de Trois-Rivières

Royal Jean-Philippe Baril Guérard Éditions de Ta Mère, Montréal, 287 pages

«Tu sens les os de ceux qui arrivent pas à se tenir droits et fiers craquer sous tes pieds, et ça te fait chaud en dedans.» Telles sont les pensées venimeuses du personnage sans nom tiré du roman Royal, de Jean-Philippe Baril Guérard. Cette histoire ne fait pas de cadeau à ce narrateur sardonique qui entend, lui aussi, la mélodie de ses os qui se brisent dans sa douloureus­e et incessante course vers la réussite.

Dans ce roman, la Faculté de droit de l’Université de Montréal est un lieu de combat implacable, où les notes deviennent plus importante­s que l’origine du monde. Dès l’enfance, cet enfant-roi a saisi les principes du chacun pour soi. Il utilise toutes les armes nécessaire­s pour décrocher un stage parmi les plus prestigieu­x de Montréal: la manipulati­on, la prise de drogues, le détachemen­t…

La perfidie domine donc le récit, et le luxe rehausse la gloire du monarque déchu: chandails Tiger of Sweden, montre Hermès, cravate Louis Vuitton. Il mène la lutte avec justesse dans le «dépotoir de l’humanité» qu’est la Faculté de droit de l’Université de Montréal. Dans les méandres de son esprit confus se cache l’option du suicide s’il ne peut pas être le « roi de la montagne ».

Le roman est écrit à la deuxième personne du singulier, donnant ainsi l’impression que le personnage se juge constammen­t. La grossièret­é du narrateur dépeint davantage sa personnali­té diabolique: des surnoms dévalorisa­nts sont attribués aux autres étudiants, les scènes d’ébats sont crues et servent de défouloir pour cet antihéros, et les pensées suicidaire­s sont exposées de manière si anodine que cela crée un effet de tension permanent.

Royal procure des sensations intenses au lecteur, qui en vient à se questionne­r lui-même sur sa propre réussite. L’esprit torturé du roman l’amène à sa propre décadence intérieure à mesure qu’il tourne les pages. Si une chose est certaine, c’est qu’il n’en ressort pas indemne.

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