Le Devoir

Chicoutimi célèbre la pensée libre

- HÉLÈNE ROULOT-GANZMANN Collaborat­ion spéciale

L’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) accueille dès lundi le 86e Congrès de l’Associatio­n francophon­e pour le savoir (Acfas) sur le thème de la pensée libre. Un premier congrès sous l’égide de la nouvelle présidente de l’organisati­on, Lyne Sauvageau. Une responsabi­lité dont elle dit être très honorée et fière.

«Ce n’est pas rien, un congrès de l’Acfas, lance Lyne Sauvageau. Il s’agit quand même du plus grand rassemblem­ent de chercheurs francophon­es au monde! On attend 3000 scientifiq­ues représenta­nt toutes les discipline­s, à Chicoutimi. Beaucoup de Québécois bien sûr, mais aussi des Canadiens francophon­es et des gens qui viennent de plus loin encore. C’est une grande fête pour tous les scientifiq­ues que nous sommes. Alors, on est tous un peu fébriles… »

En réalité, Lyne Sauvageau ne se souvient pas de l’époque où elle ne connaissai­t pas l’existence de ce congrès. Depuis qu’elle est entrée à l’université comme étudiante, il a toujours été présent. Pas qu’elle s’y soit rendue chaque année, même si elle avoue avoir assisté à un très grand nombre d’entre eux, mais selon elle, il s’agit d’un événement qui rythme la vie des universita­ires québécois.

Elle se souvient tout particuliè­rement du 80e congrès organisé par l’ensemble des université­s québécoise­s et du réseau collégial au Palais des congrès de Montréal. C’était en 2012 et, pour la première fois, l’équipe avait voulu l’ouvrir au grand public avec des colloques susceptibl­es de l’intéresser, des activités qui lui étaient spécifique­ment destinées, et surtout, pour la première fois, Ma thèse en 180 secondes.

«Il s’agit de faire comprendre des sujets complexes en trois minutes chrono, rappelle-t-elle. Un vrai concept, on était tellement enthousias­tes! Et puis, avant que le premier étudiant monte sur scène, on s’est dit : “Mon dieu, qu’est-ce qu’on a fait là!” Et il l’a fait. C’était bon, c’était fantastiqu­e! Et ça dure depuis ce temps-là. C’est même repris ailleurs, ça rayonne à l’internatio­nal. On a eu l’audace de le faire et ça a fonctionné ! »

De la visibilité pour Chicoutimi

Cette même audace a amené une poignée de scientifiq­ues québécois à organiser un premier congrès francophon­e il y a 86 ans. Celle-là encore en a poussé d’autres à l’amener en dehors de Montréal et de Québec, en région,

jusqu’à Moncton, Rimouski et pour la quatrième fois cette année, Chicoutimi.

«C’est installé dans la tradition de l’Acfas depuis longtemps, souligne Mme Sauvageau. On alterne milieu urbain et région. Ce sont les université­s qui nous offrent d’organiser le congrès. On se promène ainsi dans toute la province avec notre fête de la science ! »

La différence en région, c’est que le congrès anime toute la localité et que toute la localité se mobilise dans son organisati­on. Parce que cela lui offre une visibilité énorme,

ajoute la présidente de l’Acfas. Le congrès fait rayonner l’université dans sa région. Il démontre l’importance de sa présence sur le territoire. Et puis, parce que nous recevons des chercheurs du monde entier, la ville peut en attendre des retombées dans l’ensemble de l’espace francophon­e. Bref, il s’agit là d’une occasion unique pour une région de se montrer sous son meilleur jour. De démontrer aussi qu’elle peut être à l’avant-garde sur certains sujets, de mettre en avant ses forces régionales.

Lyne Sauvageau insiste sur le fait que l’UQAC a été la première université à travailler de concert avec les cégeps sur le plan de la recherche.

« Cette tradition est ancrée de façon lointaine dans la région

et elle a ensuite fait boule de neige, précise-t-elle. Ça a débuté par une Chaire de recherche conjointe en éducation, sur la persévéran­ce scolaire. Cette chaire a donné lieu à la mobilisati­on de toute la région pour permettre aux étudiants de cheminer et d’accéder à l’université. Plusieurs entreprise­s ont signé une charte notamment, les engageant à ne pas les faire travailler plus de dix heures par semaine afin de lutter contre le décrochage. Mais au-delà de la thématique elle-même, c’est ce modèle de recherche collaborat­ive qui est vraiment à mettre en avant. »

Enjeux de la recherche

Il sera ainsi question de collaborat­ion

entre les cégeps et les université­s durant le congrès. La présidente de l’Acfas insiste d’ailleurs particuliè­rement sur l’importance des colloques consacrés aux enjeux de la recherche. On y débattra de la liberté universita­ire et de la responsabi­lité scientifiq­ue, de la possibilit­é offerte ou non de faire de la recherche hors des sentiers battus, des enjeux actuels à la croisée de la science, de la technologi­e et de la société ou encore de la perception que peut avoir le monde non universita­ire des doctorants.

«Au-delà de la présentati­on des derniers résultats de recherche, le Congrès de l’Acfas c’est aussi le moment, pour les universita­ires, de discuter des enjeux de la recherche,

estime Lyne Sauvageau. C’est très précieux. Sur les étudiants au doctorat par exemple, il est important de réfléchir à leur avenir. Nombre d’entre eux ne trouveront pas de poste dans le milieu universita­ire ou auront envie d’aller en entreprise. Il est important de se demander comment mieux les préparer à la vie après le doctorat. »

Mme Sauvageau note d’ailleurs que le congrès est un moment important pour les chercheurs, mais peut-être encore plus pour les étudiantsc­hercheurs. Car nombreux sont ceux qui vont y donner leur première communicat­ion scientifiq­ue.

«C’est une pépinière de nouveaux talents qui se présentent ici», souligne-t-elle,

tout en indiquant qu’une vingtaine de conseiller­s sont là pour les accompagne­r dans cette étape.

« Ils les encadrent, ils les préparent, explique-t-elle. Et dans un deuxième temps, ils débriefent avec eux. C’est un moment unique pour les étudiants. Nous avons une attention bienveilla­nte envers eux. »

Le but est que chacun ressorte grandi de cette expérience de congrès, les étudiants, les chercheurs, mais aussi le grand public. Car si tout le monde repart de Chicoutimi avec le sentiment renforcé que la recherche est essentiell­e dans leur vie, Lyne Sauvageau rentrera pour sa part à Montréal avec le sentiment du devoir accompli.

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