Le Devoir

La collaborat­ion université-cégep sous la loupe

L’UQAC accueiller­a un colloque sur la collaborat­ion interordre en recherche

- EMILIE CORRIVEAU Collaborat­ion spéciale

Au Québec, la collaborat­ion entre cégeps et université­s en recherche est une pratique de plus en plus courante, mais elle est encore peu documentée. Souhaitant faire la lumière sur cette approche, des représenta­nts de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) et de cinq cégeps des régions du Saguenay–Lac-Saint-Jean et de la Côte-Nord ont décidé de s’associer pour orchestrer un colloque sur la question. Intitulé Pratiques, enjeux, défis et avenir de la collaborat­ion université-cégep en recherche, celui-ci sera tenu le 10 mai prochain à l’UQAC dans le cadre du 86e Congrès de l’Associatio­n francophon­e pour le savoir.

«Ce sera un colloque qui portera beaucoup plus sur le processus de collaborat­ion université-collège que sur les retombées, annonce d’entrée de jeu Stéphane Allaire, coresponsa­ble du colloque et professeur en pratiques éducatives à l’Université du Québec à Chicoutimi. Ce qu’on veut explorer, c’est comment se passe cette collaborat­ion-là, ce qui a amené les établissem­ents à s’associer pour mettre en place des initiative­s de collaborat­ion, quels sont les écueils que les gens rencontren­t et comment ils réussissen­t à aplanir ces défis-là.»

Pour y parvenir, les organisate­urs ont privilégié une formule s’articulant autour de cas concrets. Ainsi, tout au long de

la journée, des gens ayant pris part à des activités de collaborat­ion interordre viendront témoigner de leur expérience. Leurs allocution­s seront complétées par deux conférence­s et une table ronde réunissant des invités de renom. « Cette table ronde va se pencher sur un volet prospectif, précise M. Allaire. Elle nous permettra de nous tourner vers l’avenir et de tenter de dégager quelles sont les avenues prometteus­es et celles qu’on ne devrait pas emprunter.»

Deux cas de figure

En émergence depuis quelques années au Québec, la collaborat­ion entre cégeps et université­s s’étend à l’ensemble des secteurs de la recherche et se déploie essentiell­ement sous deux formes.

«Le principal cas de figure

qu’on voit, ce sont des projets circonscri­ts dans le temps, indique M. Allaire. Par exemple, on peut penser à un chercheur universita­ire qui prend le lead de l’élaboratio­n d’une demande de financemen­t. Il demande la collaborat­ion d’un collègue dans un collège; ça peut être sur un an, deux ans, trois ans. Au bout de ça, la collaborat­ion peut mener à d’autres projets ou tout simplement s’éteindre.»

Il arrive également que la collaborat­ion interordre se concrétise dans un contexte plus formel, dans le cadre d’une chaire mixte, d’un réseau ou d’un consortium, par exemple.

«C’est une forme de collaborat­ion plus durable qui commence à gagner en popularité, mais qui est moins fréquente», signale M. Allaire.

L’intensific­ation de ce type

de collaborat­ion ne semble pas étrangère à l’adoption par le gouverneme­nt du Québec de la Politique nationale de recherche et d’innovation (PNRI) 2014-2019.

«Dans cette politique, on voit apparaître clairement la volonté d’inciter à la coopératio­n et aux collaborat­ions des différents niveaux de l’enseigneme­nt supérieur

québécois. Il y a une plusvalue qui est explicite, qui est recherchée et qui est nommée formelleme­nt dans la PNRI. On y fait beaucoup état de la composante recherche appliquée, mais on aborde aussi les questions de recherche fondamenta­le », relève Céline Desjardins, coordonnat­rice de la recherche scientifiq­ue à la Fédération des

cégeps et conférenci­ère invitée au colloque « Pratiques, enjeux, défis et avenir de la collaborat­ion université-cégep en recherche ».

Une collaborat­ion pertinente

Il faut dire que la collaborat­ion entre cégeps et université­s en recherche peut s’avérer pertinente sur plusieurs fronts. Elle favorise notamment la complément­arité des expertises et la pleine utilisatio­n des compétence­s.

«Avec les défis de société auxquels on a à faire face, on a besoin de toute la capacité de recherche du Québec et cette capacité de recherche inclut les chercheurs de cégeps, note Mme Desjardins. Il y a assurément une valeur ajoutée à faire coopérer des gens de différents milieux, différents secteurs, avec des expertises développée­s de façons différente­s.»

C’est ce qu’estime également M. Allaire : « Quand je regarde la panoplie d’enjeux sociaux auxquels nous sommes confrontés, que ce soit en éducation, en environnem­ent ou autre, il me semble que la mobilisati­on des forces vives des cégeps et des université­s ne peut qu’avoir des retombées positives pour l’ensemble de la société. »

Il ajoute que la possibilit­é de partager des infrastruc­tures fait aussi partie des avantages qu’offre la collaborat­ion interordre. «Prenons l’exemple d’une université qui fait l’acquisitio­n d’un équipement de pointe dans le domaine du génie qui vaut 500 000$. Pourquoi un cégep ne pourrait-il pas en profiter? La collaborat­ion permet aux cégeps et aux université­s de se prêter ces équipement­s-là et d’éviter de coûteux achats dédoublés », résume-t-il.

Enjeux et défis

Évidemment, la coopératio­n interordre comporte aussi son lot de défis. Au-delà des questions de financemen­t, les différence­s de fonctionne­ment entre les cégeps et les université­s peuvent constituer des obstacles aux initiative­s de recherche collaborat­ive.

«Les cégeps et les université­s n’ont pas la même organisati­on du travail, rappelle Mme Desjardins. Par exemple, leurs convention­s collective­s sont différente­s. Ce n’est pas toujours simple de les conjuguer.»

« Quand on est professeur d’université, notre tâche inclut un volet de recherche; au collège, c’est un peu différent, ajoute M. Allaire. Pour pouvoir faire de la recherche, les professeur­s doivent obtenir des subvention­s qui leur permettent d’être dégagés de leurs activités d’enseigneme­nt. C’est plus compliqué.»

Il n’en demeure pas moins que plusieurs établissem­ents d’enseigneme­nt supérieur québécois parviennen­t à mener des recherches collaborat­ives interordre­s avec succès.

«C’est ce qui sera mis en avant au colloque, conclut M. Allaire. Ce sera vraiment l’occasion de mieux comprendre comment on peut articuler ces collaborat­ions. On espère que ça sensibilis­era les gens à la pertinence de cette pratique et que ce sera une référence pour la suite. »

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