Vitrine du savoir-faire en région
Le temps d’une semaine, la ville de Saguenay va vivre au rythme du congrès de l’Acfas. L’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) accueille l’événement pour la quatrième fois de son histoire, et c’est toute une région qui se mobilise pour en faire une véritable fête de la science.
1
985, 1995, 2005… logiquement, le Congrès de l’Acfas aurait dû revenir à Chicoutimi en 2015, mais la rectrice de l’UQAC et présidente du comité organisateur, Nicole Bouchard, explique que son université était alors trop fragilisée pour tenir un événement de cette envergure.
«Il y a eu les mesures d’austérité et de nombreuses coupes dans les universités, rappelle-telle. Dans une petite communauté comme la nôtre, ça a des conséquences énormes. Nous avons perdu du personnel. »
Or, durant toute la semaine du congrès, 200 des 600 membres que compte la communauté universitaire seront mobilisés. Et certains d’entre eux le sont depuis le moment où l’organisation lui a été attribuée, il y a 18 mois. Mme Bouchard a repris le dossier quant à elle en arrivant à la tête de l’université il y a tout juste un an, mais la directrice des communications, Marie Karlynn Laflamme, se souvient très bien de tout le chemin parcouru.
«Dès le départ, il faut monter le comité organisateur, indique-t-elle, nommer la direction scientifique qui va se pencher sur les colloques, en relation avec le thème qui nous était donné, à savoir la pensée libre. Et puis, il faut très vite coordonner la logistique, les communications, nommer des
responsables pour les activités grand public, etc. »
Moteur de développement économique
Elle note que l’un des grands défis est de recevoir 3000 congressistes dans une ville comme Saguenay, qui ne possède pas toutes les infrastructures nécessaires. Résultat, il faut rapidement entrer en contact avec les restaurateurs pour les convaincre de prendre des réservations plus tôt qu’à l’accoutumée par exemple. Quant aux hôtels, ils sont réservés depuis La Baie jusqu’à Saint-Gédéon.
Les deux femmes affirment également qu’un sentiment d’appartenance est apparu à travers la région. Dans les journaux locaux, à la radio, petit à petit le congrès fait son apparition afin que le grand public lui aussi se sente invité à s’y rendre. Car de nombreuses activités sont organisées tout spécifiquement pour lui, afin de démocratiser la science et d’opérer un transfert de connaissances. Il y aura notamment une balade sur les rives du fjord du Saguenay, une table ronde sur les jeux vidéo, un atelier sur le sexe à l’écran ou encore la visite d’un laboratoire d’étude du cannabis, l’objectif étant de démontrer que la science est partout.
«L’organisation d’un tel événement, c’est beaucoup de travail, mais c’est aussi un moteur de développement local, ajoute Mme Bouchard. Les
congressistes vont avoir à se déplacer. Nous sommes aussi en relation avec les offices de tourisme pour déterminer ce qui pourrait leur être proposé. Et pour l’université, c’est l’occasion de montrer qu’il se fait aussi de la bonne recherche en région. »
Briser les préjugés
La rectrice regrette en effet que les universités en région ne soient souvent considérées que comme des établissements permettant l’accessibilité aux études supérieures à tous les jeunes et moins jeunes vivant en dehors des grands centres urbains, et donc centrés principalement sur l’enseignement. Le Congrès de l’Acfas permet, selon elle, de briser les préjugés.
« C’est une formidable vitrine de notre savoir-faire à la grandeur du Québec, du Canada et même à l’international, puisque de nombreux congressistes viennent de l’étranger, de la France, de l’Afrique et d’autres pays francophones, souligne-telle. Nous ne sommes pas une université régionale, mais une université en région avec aussi une mission de recherche, sur des sujets collés à notre territoire et à notre réalité de ville nordique. »
L’UQAC possède ainsi une expertise dans le domaine minier, et notamment sur l’aluminium, sur le dégivrage des avions ou encore sur la forêt boréale. Autant de sujets qui feront l’objet de communications. Nicole Bouchard note d’ailleurs fièrement que 30% des colloques environ sont dirigés par des chercheurs de l’université hôte.
«Je dois dire également que je suis très heureuse du thème qui nous a été attribué, conclut la rectrice. La pensée libre… dans un monde où il y a beaucoup d’intérêts, c’est un devoir éthique pour les chercheurs que de continuer cet engagement en faveur d’une pensée désintéressée. Le risque pour les universitaires, surtout en période d’austérité, c’est d’être à la solde des entreprises et du privé. Bien sûr, nous devons travailler en collaboration, mais une résistance doit continuer à s’opérer. Nous allons parler de tout cela la semaine prochaine à Chicoutimi et j’en suis très heureuse. »