Le Devoir

› Cinéma. Quoi de neuf , docteur?

Dans Knock, Omar Sy reprend un personnage autrefois incarné par Louis Jouvet

- MANON DUMAIS

Avant de faire l’objet d’une adaptation sous la direction de Lorraine Lévy (Le fils de l’autre), la pièce de Jules Romains, Knock ou le Triomphe de la médecine, avait été adaptée trois fois pour le cinéma et deux fois pour la télévision. Sur scène, le rôle de Knock fut créé en 1923 par Louis Jouvet. Son interpréta­tion austère de ce médecin souhaitant faire fortune sur le dos de ses «clients» fut par la suite immortalis­ée au grand écran en 1933 et en 1951.

Désirant dépoussiér­er la pièce de Romains, étiquetée à l’époque comme farce tragique et pessimiste par Eugène Ionesco, Lorraine Lévy l’a transposée dans les années 1950 et transformé­e en fable optimiste. Pour incarner Knock, la réalisatri­ce a jeté son dévolu sur le solaire Omar Sy (Intouchabl­es, X-Men: Days of Future Past, Chocolat).

«Je n’avais aucune, aucune, aucune prétention d’être dans les chaussures de Louis Jouvet, elles sont trop grandes pour moi! Sinon, je ne l’aurais jamais fait… ou alors, j’aurais été complèteme­nt suicidaire! L’idée n’était pas du tout de marcher dans ses pas, au contraire. Je voulais rendre ce personnage un petit peu plus accessible à mon public. Comme j’ai découvert Knock très, très tard, je me suis dit qu’il y avait peutêtre des jeunes mecs et des jeunes filles qui n’avaient pas lu la pièce et c’était une manière par le cinéma de les emmener vers elle», explique l’acteur joint en France, où il terminait le tournage d’un film, avant son départ pour Los Angeles, où il vit depuis quelques années.

Knock, avant et après

Dans la version de Lorraine Levy, on découvre d’abord Knock alors qu’il est poursuivi par Lansky (Pascal Elbé) à qui il doit une forte somme perdue au jeu. S’étant réfugié sur un bateau, Knock s’improvise médecin. Cinq ans et un diplôme en médecine plus tard, on le retrouve prêt à reprendre le cabinet du docteur Parpalaid (Nicolas Marié) et à conquérir les habitants de Saint-Maurice, notamment le facteur (Christian Hecq, vu l’an dernier dans Lucrèce Borgia au TNM), le pharmacien Mousquet (Michel Vuillermoz) et sa femme (Audrey Dana).

«Avec Lorraine, on a travaillé pour trouver le Knock de la première partie et le Knock de la seconde partie. Dans le premier Knock, on retrouve beaucoup de ma gestuelle pour accompagne­r le public qu’on attendait. J’emmène alors ce public vers le second Knock qui est complèteme­nt métamorpho­sé. Pour prendre sa place dans le village, il s’impose avec une nouvelle démarche, une nouvelle posture ; il paraît plus droit, plus froid, plus cérébral, ce que je n’ai pas l’habitude de jouer. Knock était donc un défi pour moi. »

Avec ses élégants costumes qui lui donnent fière allure, Omar Sy possède la distinctio­n naturelle de Sidney Poitier à l’époque de Devine qui vient dîner (1967), de Stanley Kramer. D’ailleurs, à l’instar du Dr Prentice, le Dr Knock ne se définit pas comme un homme de couleur, mais tout simplement comme un homme. De même, lorsque les villageois se demandent ce que Knock « a de pas comme les autres», on ne mentionne jamais le fait qu’il est noir.

«On a voulu faire un Knock, et il se trouve que c’est moi qui le joue. Je suis noir, mais ce n’était pas le sujet du film, alors on n’en parle pas. En France, on est en plein débat de la diversité culturelle. C’est un pas en avant que de vouloir faire un Knock moderne avec un acteur noir sans traiter du fait qu’il soit justement noir. C’est une façon de dire: “on arrête, le sujet n’est plus là”. L’étranger dans la société, ce n’est pas nécessaire­ment celui qui a une couleur différente.»

Des corps et des âmes

Si Knock séduit les villageois par ses méthodes modernes, le curé Lupus (Alex Lutz, la blonde des hilarantes capsules Catherine et Liliane) voit d’un très mauvais oeil l’emprise qu’il a sur ses ouailles. S’installe alors une rivalité entre le guérisseur des corps et celui des âmes.

«Ce n’est pas une charge contre l’Église qu’il faut y voir. Il fallait un rival à Knock au niveau de l’écoute et de l’oreille dans un village, donc, si ce n’est pas le médecin qui est à l’écoute, c’est le curé. Elle était là la rivalité. Knock se perd dans son envie de faire fortune. À travers lui, on parle des vaccins, des scandales avec les produits pharmaceut­iques. Où est la limite? À quel moment on soigne? À quel moment on fait de l’argent? Est-ce normal de faire les deux ? Bref, le film suscite des questions toujours actuelles; et on se rend compte que Jules Romains avait mis le doigt dessus depuis un bon petit moment.»

Omar Sy rappelle qu’à travers cette critique de la société se trouve malgré tout un côté optimiste. «Le message de Knock, c’est de dire que tout le monde a une place dans cette société et qu’il suffit de se regarder, de s’écouter pour la trouver.»

Une chose est sûre, l’acteur a bel et bien trouvé sa place, tant en France qu’aux ÉtatsUnis. « Je continue mon petit bonhomme de chemin. Je ne suis pas quelqu’un qui fait des plans, qui calcule. Tout ce qui m’est arrivé m’est tombé dessus, alors je ne changerai pas de formule pour l’instant. »

Je n’avais aucune, aucune, aucune prétention d’être dans les chaussures de Louis Jouvet, elles sont trop grandes pour moi! Sinon, je ne l’aurais jamais » fait… ou alors, j’aurais été complèteme­nt suicidaire! Omar Sy

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PHOTOS CHRISTINE TAMALET Si Knock (Omar Sy) séduit les villageois par ses méthodes modernes, le curé Lupus (Alex Lutz, la blonde des hilarantes capsules Catherine et Liliane) voit d’un très mauvais oeil l’emprise qu’il a sur ses ouailles. S’installe alors une rivalité entre le...
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