Le Devoir

Mai 68 contre Mai 2018

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Ainsi, les manifestat­ions du 1er mai, de la Journée internatio­nale des travailleu­rs, coïncidaie­nt cette année avec le 50e anniversai­re de Mai 68, l’idéal révolution­naire dont beaucoup de commentate­urs de l’actualité se souviennen­t avec nostalgie. Elles ont été l’occasion pour eux de jeter l’opprobre sur ces jeunes manifestan­ts anticapita­listes agitant le drapeau du marteau et de la faucille dont l’ignorance de l’histoire du communisme disqualifi­erait leur démarche de contestati­on.

Depuis Mai 68, on distingue les nobles intentions des intentions malveillan­tes des manifestan­ts qui animent le même modus operandi et conduisent au même résultat de «tout casser». Il y aurait donc une différence entre la révolution et la révolte. Et «en matière de révolte, aucun de nous ne doit avoir besoin d’ancêtres », disait André Breton.

Les nobles révolution­naires qui avaient 20 ans en 1968 ont maintenant 70 ans et jouissent paisibleme­nt de leur retraite après s’être construit le monde qu’ils désiraient et s’être donné ces bénéfices dont nous jouissons avec eux. C’est pour ça que j’imagine que, de leur point de vue, on leur doit beaucoup, ce qui les autorise à porter un regard condescend­ant sur ces jeunes révoltés ignorants de l’histoire. Ils pourraient leur enseigner, par exemple, cette sagesse de Simone Weil: «Les opprimés en révolte n’ont jamais réussi à fonder une société non oppressive. »

Pour le reste, cette rencontre occasionne­lle entre les manifestan­ts et les forces de la Loi et de l’Ordre est un bel exemple de coopératio­n conflictue­lle où chacun de son côté, mais aussi ensemble, on confirme sa vision du monde et satisfait ses intérêts respectifs. Et en fait, toutes ces manifestat­ions de révolte qui ne réussissen­t pas à renverser l’ordre établi le renforcent.

Marc Therrien

Le 6 mai 2018

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