Le Devoir

Tunisie Des municipale­s symbolique­s qui suscitent peu d’intérêt

- KAOUTHER LARBI CAROLINE NELLY PERROT à Tunis

Les premières municipale­s libres de Tunisie ont été marquées par une forte abstention dimanche, les Tunisiens se disant démobilisé­s par les difficulté­s économique­s et politiques, lors d’un vote jugé crucial pour enraciner la démocratie dans l’unique pays rescapé du Printemps arabe.

Le taux de participat­ion à ce scrutin proportion­nel à un tour, qui s’est déroulé sans incident majeur, n’a atteint que 33,7% sur le plan national, et seulement 26% à Tunis, selon l’instance chargée de la supervisio­n des élections (ISIE).

Un institut de sondage a donné le parti islamiste Ennahdha légèrement en tête (25%) devant le parti présidenti­el Nidaa Tounès (22%), loin devant les autres formations, mais l’ISIE ne confirmait pas cette estimation au moment de mettre cette édition sous presse.

Un responsabl­e de Nidaa Tounès a reconnu que son parti était second, et selon un député d’Ennahdha, les premières tendances confirment que son parti était en tête, notamment pour la mairie de Tunis.

Dans la capitale, la candidate Ennahdha, Souad Abderrahim, une pharmacien­ne de 53 ans, ancienne députée constituan­te et vitrine du parti, pourrait devenir la première femme maire de Tunis, selon les sondages.

Les résultats officiels de ces premières élections locales depuis la révolution de 2011, étaient attendus dans les jours à venir.

Sept ans après une révolution qui avait suscité de nombreux espoirs, beaucoup de Tunisiens se disent déçus en raison d’une situation économique difficile, avec une inflation proche des 8 %, et un chômage persistant au-dessus des 15%. Ils rejettent aussi les «arrangemen­ts» entre partis, aux premiers rangs desquels l’alliance entre Nidaa Tounès et Ennahdha.

Une jeunesse désillusio­nnée

Le premier ministre, Youssef Chahed, a pris acte de cette abstention, estimant que c’était «un signe négatif, un message fort […] pour les responsabl­es politiques». Fin 2014, la participat­ion avait atteint 64,6 et 59 % pour la présidenti­elle, et même 69 % pour les législativ­es.

Les jeunes étaient apparemmen­t particuliè­rement peu nombreux à voter. « Je suis déjà tombée dans leur piège en 2014, je ne vais pas refaire cette erreur», lançait ainsi Kamilia Mlouki, une diplômée chômeuse de 23 ans venue voter blanc.

Reportées à quatre reprises, ces municipale­s constituai­ent les premières élections depuis les législativ­es et la présidenti­elle de 2014, alors saluées par la communauté internatio­nale. Ce scrutin est «historique» pour la Tunisie, a estimé le vice-président du Parlement européen, Fabio Castaldo, chef des observateu­rs envoyés par l’Union européenne.

Les 5,3 millions d’électeurs tunisiens inscrits ont voté pour les conseiller­s des 350 municipali­tés, parmi 57 000 candidats. Ces conseiller­s devront ensuite élire les maires d’ici la mi-juin.

Le principal incident a eu lieu dans le bassin minier, où le scrutin a été annulé et reporté dans 24 bureaux de vote de Mdhilla, a indiqué l’ISIE, après un boycottage en raison d’une confusion entre des bulletins de vote dans cette zone secouée de troubles sociaux récurrents.

Quelque 60 000 policiers et militaires — qui ont déjà voté il y a une semaine par anticipati­on, pour la première fois de leur histoire — étaient mobilisés : la Tunisie est sous état d’urgence depuis une série d’attentats djihadiste­s en 2015.

Dans la foulée de la chute du régime de Zine Al Abidine Ben Ali en 2011, les municipali­tés avaient été dissoutes et remplacées par de simples « délégation­s spéciales », dont la gestion a été jugée défaillant­e au fil du temps.

Ces municipale­s marquent en outre le premier pas tangible de la décentrali­sation, inscrite dans la Constituti­on de 2014 et l’une des revendicat­ions de la révolution.

Ce scrutin sera suivi de législativ­es et d’une présidenti­elle en 2019.

 ??  ??
 ?? FETHI BELAID AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Des Tunisiens faisaient la file devant un bureau de scrutin de Tunis, dimanche, afin de voter.
FETHI BELAID AGENCE FRANCE-PRESSE Des Tunisiens faisaient la file devant un bureau de scrutin de Tunis, dimanche, afin de voter.

Newspapers in French

Newspapers from Canada