Au Zimbabwe, le nouveau président Mnangagwa cause la surprise
Le nouveau président du Zimbabwe consent des libertés jamais vues dans ce pays africain, après 37 ans sous la poigne de Robert Mugabe.
Pour certains, cependant, le président Emmerson Mnangagwa va trop loin. D’autres l’accusent au contraire de ne mettre en oeuvre que des réformes cosmétiques en vue de l’élection du mois de juillet.
Emmerson Mnangagwa avait promis des réformes démocratiques lorsqu’il a pris le pouvoir, en novembre, à la suite du départ de Robert Mugabe sous la pression du parti au pouvoir, de l’armée et du peuple zimbabwéen.
Les arrestations de militants et de membres de l’opposition, autrefois routine, se font moins nombreuses. L’opposition a pu tenir des rassemblements de campagne sans ingérence. La liberté d’expression a pris du mieux, et les Zimbabwéens peuvent ouvertement critiquer le gouvernement sans peur de représailles. Dans les régions plus rurales, on rapporte toutefois certains cas d’intimidation, où des dirigeants de villages exigent par exemple les données d’inscription des électeurs.
Le président Mnangagwa a publiquement critiqué mercredi sa propre formation politique pour avoir fait appel à des policiers en tant qu’agents électoraux lors d’un vote interne — une pratique que Robert Mugabe défendait bec et ongles.
Le nouveau dirigeant du Zimbabwe a obtenu un vaste soutien pour des gestes similaires. Mais certaines de ses décisions ont également touché une corde sensible dans ce pays largement conservateur.
Son gouvernement a légalisé la culture de la marijuana à des fins médicales et scientifiques. Des travailleuses du sexe ont pu prendre part à une foire commerciale internationale, un événement dont le coup d’envoi a été donné par Emmerson Mnangagwa lui-même, pour éduquer le public sur cette industrie et sur des pratiques sexuelles sans risque.
Sur les médias sociaux, dans les rues et dans les coulisses du pouvoir, on accuse le président de libéraliser à outrance. «Le gouvernement pose des pièges qui finiront par saboter nos familles. Le gouvernement veut ruiner nos enfants», s’est indigné l’ancien vice-président et actuel chef de l’opposition, Joice Mujuru.
D’autres appuient le président et évoquent les retombées économiques de l’industrie du sexe et de la culture de marijuana pour le Zimbabwe, qui se remet sur pied après des années de sanctions internationales pour violations des droits de la personne. «Le niveau de libéralisme au Zimbabwe cause des étourdissements», a écrit sur Twitter Nick Mnangagwa, un militant du parti au pouvoir.
Certains détracteurs de la nouvelle administration doutent de son véritable désir de réformes. Ils citent en exemple l’interdiction de certaines manifestations par les forces de l’ordre, le recours à des chiens et à des canons à eau contre des étudiants protestataires, la lenteur des réformes électorales et le cas non résolu d’Itai Dzamara, un militant porté disparu depuis son enlèvement en 2015.