Tonitruant éclat final
Le concert final de la saison de l’Orchestre Métropolitain accueillait Rolando Villazón
YANNICK NÉZET-SÉGUIN ET ROLANDO VILLAZÓN Strauss : Till l’Espiègle. De Falla : Siete canciones populares españolas (orch. Berio). Verdi : Otto Romanze (orch. Berio, quatre extraits). Respighi : Les pins de Rome. Rolando Villazón (ténor), Orchestre Métropolitain, Yannick Nézet-Séguin. Maison symphonique de Montréal, samedi 5 mai 2018. «J ouissifs», comme les a qualifiés Yannick NézetSéguin? Non, orgiaques! Les pins de Rome de Respighi ont clos la saison 2017-2018 mémorable de l’Orchestre Métropolitain par un ultime feu d’artifice musical rêvé.
Mémorable par le succès indescriptible de la tournée européenne, un nombre record de spectateurs au Québec, le Grand Prix du Conseil des arts de Montréal et la publication discographique de l’intégrale Bruckner, sans oublier l’allocation exceptionnelle de 2,5 millions de dollars du ministère de la Culture et une soirée de financement ayant rapporté 400 000$ jeudi.
Sur le plan musical, Yannick Nézet-Séguin est allé bien audelà de l’aspect spectaculaire des Pins de Rome. Le moment magique de l’interprétation en a été le 2e mouvement, Pins près d’une catacombe, avec des alliages sonores magiques (contrebasses-orgue; corstrombones) et des dosages très soupesés (un tam-tam aux sonorités profondes, comme on n’en entend pas ailleurs à Montréal). Après des Pins du Janicule, lors desquels les chants d’oiseaux ont été assurés (excellemment) par les musiciens eux-mêmes, le fameux épisode des Pins de la voie Appienne a été mené avec brio et exaltation.
Ces Pins de Rome, si maîtrisés et digérés, contrastaient avec un Till l’Espiègle de Strauss qui, malgré quelques idées, comme les traits facétieux des cors, en est encore au stade de «work in progress». Till est une oeuvre dont les idées musicales fusent de manière saillante de l’orchestre. On avait l’impression que tous lisaient habilement la partition plus qu’ils s’en dégageaient.
Le coeur et la voix
Le concert, dédié à la mémoire de la violoncelliste Céline Cléroux, membre de l’Orchestre depuis 1988 récemment disparue des suites d’un cancer, recevait comme invité vedette Rolando Villazón. Ami de Yannick Nézet-Séguin, Villazón est devenu un ami du Metropolitain.
Il ne sert à rien de s’acharner sur le sort infiniment triste du seul ténor appelé, après sa victoire à Operalia en 1999, à prendre la vraie relève de Placido Domingo pour trois bonnes décennies. Rolando Villazón avait tout. Le sort a voulu lui donner 7 ans de carrière flamboyante et désormais 11 ans de galère et de démêlés avec sa voix.
Reconverti à la mise en scène, à la direction artistique et à l’animation de shows télévisés, il chante encore, s’économisant pour quelques projets ciblés et choisissant des répertoires qui ne le mettent pas en péril, hélas jusqu’à la caricature, comme ces chansons de De Falla orchestrées par Berio qui appellent une mezzo soprano et le trouvent barytonnant. Il passe treize minutes à habiter des mots à coup de grands gestes dans une sorte de no man’s land vocal.
La scène est comme une drogue pour Rolando Villazón, qui cultive un contact chaleureux avec un public conquis. Le but du choix des deux cycles orchestrés par Berio est de préserver le chanteur au milieu de son registre vocal. Quand il monte au-dessus de sa note de passage, cela se corse, comme le montre Verdi (paroles «Voi Forse» de Dans une chambre solitaire, plafonnement sur «Fin la terra» du Pauvre homme et étranglement sur «Sul vasel del finestro» de Par pitié, ô femme éplorée).
Mais tout est bien calculé. Choisissant quatre des huit romances, Villazón arrange l’ordre pour finir par L’exil, qu’il chante comme s’il s’agissait de l’Esultate d’Otello ! Le public en est chaviré et le ténor reprend en rappel un brindisi déjà chanté la dernière fois en amusant l’auditoire d’une anecdote cocasse. Le coeur a remplacé la voix, mais une large majorité du public ne lui en tient pas rigueur, apparemment.