Le Devoir

Les Européens ont repris en main,

- FRANCESCO FONTEMAGGI à Washington VALÉRIE LEROUX à Paris

sans les Américains, les discussion­s avec Téhéran pour éviter que l’Iran ne relance sa course à la bombe atomique. Dans la capitale iranienne, des citoyens ont manifesté leur colère contre la décision américaine en brûlant le drapeau des États-Unis.

Au lendemain de son retrait fracassant de l’accord sur le nucléaire iranien, Donald Trump se retrouve isolé face à ses alliés européens, engagés mercredi dans une course contre la montre pour convaincre l’Iran de ne pas relancer la course à la bombe atomique au Moyen-Orient.

Le président des États-Unis, qui a choisi mardi l’option la plus radicale en rétablissa­nt toutes les sanctions levées depuis la signature de ce texte emblématiq­ue en 2015, a réitéré sa menace: si l’Iran «relance son programme nucléaire», «il y aura des conséquenc­es très graves ».

L’Arabie saoudite, un des rares pays, avec Israël, à soutenir fermement le choix de Washington contre leur bête noire commune, l’Iran chiite, a aussi adressé sa mise en garde. «Si l’Iran se dote d’une capacité nucléaire, nous ferons tout notre possible pour faire de même», a prévenu sur la chaîne américaine CNN le chef de la diplomatie du royaume sunnite, Adel al-Jubeir.

Ces avertissem­ents ne masquent pas l’isolement américain alors que les risques d’escalade font craindre de nouveaux conflits. Le ministre américain de la Défense, Jim Mattis, considéré comme un modéré dans un gouverneme­nt de plus en plus dominé par les «faucons», a assuré mercredi que la diplomatie restait la voie privilégié­e face à la République islamique.

Macron en première ligne

Mais pour l’instant, les Européens ont pris les discussion­s en main sans les Américains, que Londres a exhorté «à éviter toute action qui empêcherai­t les autres parties de continuer à faire en sorte que l’accord fonctionne ».

Le président français, Emmanuel Macron, qui reste en première ligne après avoir échoué à infléchir la position de Donald Trump, s’est longuement entretenu par téléphone avec son homologue iranien, Hassan Rohani.

Selon Paris, les deux hommes vont «poursuivre leur travail commun» pour continuer à appliquer le «plan d’action» de 2015, par l’intermédia­ire des «groupes de travail » irano-européens mis en place «sans délai». Hassan Rohani, un des pères du texte, a dit à Emmanuel Macron qu’il ferait « tout pour rester dans l’accord», a rapporté la présidence française.

«Nous allons respecter l’accord et nous ferons tout pour que l’Iran se tienne à ses obligation­s», a renchéri la chancelièr­e allemande, Angela Merkel.

Les chefs de la diplomatie des trois pays européens signataire­s du texte (France, Allemagne, Royaume-Uni) rencontrer­ont en début de semaine prochaine leur homologue iranien, Mohammad Javad Zarif, a précisé le ministre français Jean-Yves Le Drian.

Car si Téhéran n’a pas immédiatem­ent claqué la porte à son tour, Hassan Rohani, tout comme l’ayatollah Ali Khamenei, qui a la haute main sur les grands dossiers du pays, dont le nucléaire, ont réclamé des garanties solides et «réelles» des Européens.

«Si vous ne réussissez pas à obtenir une telle garantie définitive — et je doute réellement que vous puissiez le faire —, à ce moment, on ne pourra plus continuer comme ça», a dit le guide suprême iranien au gouverneme­nt du modéré Rohani. Sans résultats dans les prochaines semaines, l’Iran agite le spectre d’une reprise de l’enrichisse­ment d’uranium «sans limite», qui achèverait définitive­ment l’accord.

Le texte conclu en 2015 vise à faciliter les échanges commerciau­x avec l’Iran et à relancer son économie, en levant de lourdes sanctions internatio­nales en échange d’un engagement de Téhéran à limiter ses activités nucléaires et à ne jamais chercher à obtenir la bombe atomique.

Marge de manoeuvre réduite

«L’accord n’est pas mort», a martelé Jean-Yves Le Drian en évoquant un risque de «déflagrati­on» et d’«affronteme­nts» si Téhéran se retire et entraîne d’autres pays de la région dans une course à l’armement atomique.

La Chine, autre signataire avec la Russie, a également appelé à sauvegarde­r un accord qui «contribue à préserver la paix».

Les Européens doivent donc trouver les moyens de préserver leurs entreprise­s et répondre aux attentes des Iraniens. Ils vont tenter d’obtenir de Washington que leurs entreprise­s engagées en Iran échappent aux sanctions américaine­s.

Mais de l’aveu même de responsabl­es européens, leur marge de manoeuvre est très réduite.

«L’accord est probableme­nt impossible à sauver […] Celui qui investit en Iran sera frappé de sanctions américaine­s, et c’est impossible à compenser», a estimé le président de la commission des Affaires étrangères du Bundestag, la chambre des députés allemande, Norbert Röttgen.

Les Européens vont devoir «mettre de côté leurs divergence­s» sur l’Iran et, au risque d’exacerber les tensions transatlan­tiques, «montrer les dents» face aux ÉtatsUnis pour réduire l’exposition de leurs entreprise­s, a expliqué à l’AFP Ellie Geranmayeh, experte à l’European Council on Foreign Relations.

Au-delà du sort de l’accord luimême, la France tente de relancer son initiative d’accord «plus large», portant sur les préoccupat­ions américaine­s, à savoir les engagement­s nucléaires iraniens au-delà de 2025, le programme balistique de Téhéran et son influence régionale dans la région. L’Iran s’est jusqu’ici montré très hostile à toute discussion en ce sens.

 ?? ATT KENARE AGENCE FRANCE-PRESSE ??
ATT KENARE AGENCE FRANCE-PRESSE
 ?? ISLAMIC CONSULTATI­VE ASSEMBLY NEWS AGENCY AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Des députés brûlent un drapeau américain au parlement iranien au lendemain de l’annonce du président Donald Trump du retrait des États-Unis de l’accord nucléaire.
ISLAMIC CONSULTATI­VE ASSEMBLY NEWS AGENCY AGENCE FRANCE-PRESSE Des députés brûlent un drapeau américain au parlement iranien au lendemain de l’annonce du président Donald Trump du retrait des États-Unis de l’accord nucléaire.

Newspapers in French

Newspapers from Canada