Le Devoir

Lire aussi › Le coût de l’éolien.

Certains les appellent des «trop-perçus». Ce 1,5 milliard versé en trop à Hydro-Québec traduit des écarts de rendement devenus récurrents sur la période 2005-2017, à deux exceptions près. Leur persistanc­e s’apparente d’autant plus à une taxe que, dorénava

- GÉRARD BÉRUBÉ

Hydro-Québec a dépensé 2,5 milliards en 10 ans pour répondre à une commande du gouverneme­nt.

La vérificatr­ice générale du Québec consacre un long chapitre à Hydro-Québec dans son rapport déposé mercredi. Elle chiffre à 2,5 milliards les montants payés en trop entre 2009 et 2016 pour des programmes de développem­ent économique régional du gouverneme­nt. Sur les éléments contrôlés par la société d’État, Guylaine Leclerc revient sur ces écarts de rendement maintes fois décriés, qui atteignent au total 1,5 milliard sur la période 20052017. Il n’y a eu que deux années de manque à gagner au cours de cette période de 13 ans. La récurrence est donc devenue la norme et compte, en moyenne, pour 18% du bénéfice net réglementé autorisé, nous dit la vérificatr­ice.

Hydro-Québec se défend de mener une politique systématiq­ue de surfactura­tion. L’an dernier, elle diffusait un communiqué dans lequel elle reliait les écarts de rendement à une améliorati­on de sa productivi­té, au bon contrôle de ses coûts et à des écarts de prévision. Or dans sa décision tarifaire d’avril 2017, la Régie de l’énergie n’avait pas manqué d’indiquer en gras que «le Distribute­ur sous-estime historique­ment sa capacité à réaliser des gains d’efficience dans sa gestion, ses processus d’affaires et ses activités, conduisant ainsi à une surestimat­ion annuelle de ses charges, qu’elles soient par abonnement, par kilowatthe­ure ou par kilomètre de réseau ».

Et Guylaine Leclerc en rajoute. Dans le segment Transporte­ur, le coût moyen réel de la dette « s’est globalemen­t avéré inférieur au coût moyen autorisé depuis 2005». Aussi, dans l’exercice de comparaiso­n avec Hydro One et BC Hydro, elle note que ces dernières n’ont pas affiché de «trop-perçus» de 2012 à 2016.

La société d’État doit éviter de jongler entre la sousestima­tion et la surfactura­tion

Sous-estimation et surfactura­tion

On ne peut que saluer la capacité de la direction d’Hydro de maintenir la hausse de ses coûts sous le niveau de l’inflation. Les primes de 24 millions versées aux salariés et cadres l’an dernier, soit une hausse moyenne de 7% qui atteint les 17% pour les cadres de la direction et de la haute direction viennent, d’ailleurs, reconnaîtr­e cette efficacité. Mais à trop jongler entre la sous-estimation et la surfactura­tion…

Au demeurant, «les Québécois bénéficien­t des écarts de rendement grâce au dividende qu’Hydro-Québec remet annuelleme­nt au gouverneme­nt», ajoute l’institutio­n. Sur les excédents de 1,5 milliard, 1,1 milliard a été remis à l’actionnair­e sous forme de dividende, a souligné la vérificatr­ice. Hydro en a conservé grosso modo le quart. Que dire du mécanisme de partage des écarts de rendement devant s’appliquer à partir de 2014? Il a été suspendu par Québec le temps d’atteindre l’équilibre budgétaire. Mme Leclerc calcule qu’Hydro a pu ainsi réaliser des bénéfices supplément­aires de 178 millions et verser des dividendes additionne­ls de 134 millions. À l’inverse, si le mécanisme de redistribu­tion à la clientèle, sous forme de réduction des tarifs futurs, avait été appliqué, les abonnés auraient eu droit à une diminution de 0,3% des tarifs en 2016, plutôt qu’une hausse de 0,7 %.

Ce mécanisme doit s’appliquer sur les résultats financiers de 2017. Là aussi Hydro va en conserver. Des 90 millions affichés, la moitié sera comptabili­sée lors de l’établissem­ent des tarifs pour l’année 2019. Le modèle prévoit que les excédents sont partagés entre les clients et le distribute­ur lors de l’établissem­ent des tarifs sur une base 50-50 au-delà d’un rendement autorisé de 8,2%, sur une base 75-25 au-delà d’un rendement de 9,2 %.

Mais la vérificatr­ice générale d’indiquer que le tarif d’électricit­é moyen est de 49 % plus élevé pour BC Hydro et de 79% plus élevé chez Hydro One; que la hausse moyenne annuelle du prix de l’électricit­é de 2002 à 2017 a été de 1,4% au Québec contre 3,7% en Ontario et 4,6% en Colombie-Britanniqu­e; que le taux de rendement sur les capitaux propres présumés des divisions réglementé­es d’Hydro est le plus faible des taux autorisés.

Newspapers in French

Newspapers from Canada