Le Devoir

Le fédéral veut favoriser les dons

Ottawa ne financera pas les entreprise­s qui se transforme­ront en OBNL

- GUILLAUME BOURGAULT-CÔTÉ

Ottawa n’a pas l’intention de financer directemen­t les entreprise­s de presse qui se transforme­ront en organismes à but non lucratif (OBNL). La réflexion que mène actuelleme­nt le gouverneme­nt fédéral porte plutôt sur la manière de permettre aux médias de toucher des dons privés, a réitéré mercredi le cabinet de la ministre du Patrimoine canadien.

Suivant les intentions annoncées dans le dernier budget Morneau, le fédéral a mis sur pied une « petite équipe de hauts fonctionna­ires du Patrimoine, des Finances et de l’Agence du revenu du Canada» qui étudie présenteme­nt différente­s avenues pour aider les médias nationaux.

«L’objectif, c’est de permettre les dons privés», disait-on au cabinet au lendemain de l’annonce de la transforma­tion de La Presse en OBNL.

Mardi, le président du quotidien numérique, Pierre-Elliott Levasseur, écrivait que la nouvelle structure (chapeautée par une fiducie d’utilité sociale) «ouvrira la porte à l’appui du gouverneme­nt fédéral», en plus de celui de grands donateurs. «Nous souhaitons ardemment que le gouverneme­nt fédéral mette en oeuvre, dans les plus brefs délais, son intention exprimée de supporter financière­ment les médias écrits. »

Le budget comprenait en fait deux mesures pour les médias. La première — l’octroi d’une somme de 50 millions sur cinq ans — ne concerne que le «journalism­e local dans les communauté­s mal desservies». La deuxième s’adresse aux médias nationaux, mais demeure à ce stade un projet d’intention.

«Le gouverneme­nt étudiera de nouveaux modèles qui autorisero­nt les dons privés et le soutien philanthro­pique pour […] un journalism­e fiable, profession­nel et à but non lucratif », disait le budget.

On ajoutait qu’il «pourrait s’agir de nouveaux moyens, pour les journaux canadiens, d’innover et d’obtenir le statut d’organisme de bienfaisan­ce en tant que fournisseu­rs de journalism­e à but non lucratif ».

Ce statut a une grande valeur, puisqu’il permet aux organismes de remettre des reçus qui donnent droit à un crédit d’impôt pour don de bienfaisan­ce.

La mutation de La Presse s’inscrit donc dans ce contexte. Nul hasard ici: la ministre du Patrimoine, Mélanie Joly, a elle-même confié mardi qu’elle était «en communicat­ion avec La Presse depuis plusieurs mois» sur le sujet.

Rapport

Plus largement, cette question du journalism­e à but non lucratif et de la philanthro­pie avait été abordée dans le rapport Miroir éclaté. Celui-ci a été déposé en janvier 2017 par le groupe de réflexion Forum des politiques publiques, à l’invitation du gouverneme­nt fédéral.

Le document évoquait «l’émergence croissante de modèles d’organisati­on à but non lucratif» en dehors du Canada. «Les fondations s’imposent naturellem­ent comme une source de soutien à l’informatio­n», mentionnai­t le rapport en parlant notamment des 2 milliards versés par année aux États-Unis par un millier de fondations.

On soulignait aussi que les «contrainte­s imposées par l’Agence du revenu du Canada en matière d’activité politique ou d’action sociale » rendraient difficile la reprise d’un tel modèle au pays. Mais ce sont ces contrainte­s qu’Ottawa désire assouplir pour ouvrir la porte au financemen­t philanthro­pique des médias.

Selon le p.-d.g. de Forum des politiques publiques, Ed Greenspon, il ne faut toutefois pas voir «une panacée» dans le modèle philanthro­pique.

«Les organisati­ons de presse ont désespérém­ent besoin de trouver de nouvelles sources de revenus, écrivait-il mercredi au Devoir. Certaines d’entre elles, mais certaineme­nt pas toutes, viendront de la philanthro­pie, et d’autres du gouverneme­nt. Mais ultimement, la plupart viendront de l’innovation. C’est la seule manière de garder viables ces organismes de presse. »

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