Le Devoir

Des collègues découragen­t Moore de se défendre en public

La députée abitibienn­e du NPD a dit vouloir offrir sa version des faits jeudi

- HÉLÈNE BUZZETTI Correspond­ante parlementa­ire à Ottawa

Un député accusé de harcèlemen­t a-t-il le droit de prendre la parole publiqueme­nt pour se défendre ou doitil subir l’opprobre public sans mot dire? La députée abitibienn­e Christine Moore, accusée d’inconduite sexuelle, a l’intention d’offrir sa version des faits jeudi, mais certains de ses collègues du caucus néodémocra­te lui conseillen­t de se taire.

«Pour l’instant, si Mme Moore a quelqu’un à qui parler, ce sera l’enquêteur», lance Robert Aubin, le député et président du caucus québécois du NPD. Le président du caucus national, quoique moins tranché, semble ambivalent. « Il va falloir qu’elle regarde cela avec [le chef, Jagmeet] Singh, l’enquêteuse ainsi que son avocat », estime Matthew Dubé.

Christine Moore s’est fait reprocher par le vétéran Glen Kirkland de l’avoir invité à son bureau après sa comparutio­n en comité parlementa­ire, en 2013, d’avoir insisté pour qu’il boive du gin malgré qu’il lui ait dit prendre des médicament­s et de l’avoir suivi à sa chambre d’hôtel pour y passer la nuit. Mme Moore aurait par la suite envoyé des messages suggestifs au vétéran, se serait invitée à une partie de golf à laquelle il participai­t et aurait effectué une visite-surprise à son domicile après qu’il lui a dit qu’il ne voulait pas de relation avec elle. M. Kirkland a déclaré que la députée « a utilisé sa position d’autorité et de pouvoir pour obtenir ce qu’elle voulait ».

En coulisse, l’entourage de la députée indique qu’il n’est pas question que ces allégation­s restent sans réponse publique. La forme de la réponse n’était pas encore déterminée au moment d’écrire ces lignes. Le Globe and Mail a pu brièvement parler avec Mme Moore et elle a indiqué avoir une version des faits « totalement » différente. «Vous verrez qu’il y a des choses qui ne collent pas dans son histoire. »

Situations différente­s?

M. Singh n’a pas voulu interdire cette prise de parole publique, bien qu’il ait expulsé son député Erin Weir la semaine dernière précisémen­t parce qu’il avait réfuté dans les médias une des allégation­s pesant contre lui. Selon le chef, la situation est différente parce que M. Weir a parlé en aval plutôt qu’en amont de l’enquête. «Attaquer une plaignante et ne pas accepter les conclusion­s d’une enquête indépendan­te est inacceptab­le parce que cela ne permet pas de réhabilita­tion», a expliqué le chef.

Erin Weir a fait l’objet d’une enquête après que Christine Moore a soutenu que plusieurs femmes se plaignaien­t de lui. L’enquête a retenu trois plaintes portant sur le fait qu’il se tenait trop près des gens auxquels il parlait. La quatrième plainte retenue était liée à un échange musclé qu’il a eu avec une employée politique en 2016. M. Weir a soutenu que c’était lui la victime parce que la femme, en sa qualité d’adjointe du chef Thomas Mulcair, était en position de pouvoir et l’avait empêché de parler au micro pendant un congrès.

Et de trois pour Moore

C’est la troisième fois que Christine Moore se retrouve mêlée de près ou de loin à une allégation d’inconduite sur la colline du Parlement. Outre l’allégation pesant aujourd’hui contre elle et son accusation visant Erin Weir, elle est à l’origine de l’expulsion de deux députés libéraux en 2014.

C’est elle qui avait informé Justin Trudeau de l’inconduite sexuelle de Scott Andrews et du Montréalai­s Massimo Pacetti. À l’époque, son identité avait été protégée parce qu’elle était une des deux victimes. Elle soutenait ne pas avoir explicitem­ent consenti à sa relation sexuelle avec M. Pacetti, bien qu’elle ait reconnu avoir fourni le condom. Son bureau a accepté mercredi de libérer les médias de leur engagement d’anonymat. M. Andrews n’a pas été réélu en 2015 et M. Pacetti a quitté la vie politique.

M. Singh estime que les démêlés d’aujourd’hui de Mme Moore ne doivent pas discrédite­r son témoignage de l’époque. «Il est très important de souligner que ce n’est pas pertinent du tout. Le simple fait qu’une allégation que nous prenons au sérieux fait surface aujourd’hui ne devrait en aucun cas remettre en question la crédibilit­é des autres allégation­s. Cela arrive trop souvent aux femmes et ce n’est pas acceptable. »

Par ailleurs, le chef n’entend pas essayer de découvrir qui à l’interne connaissai­t cette histoire sans l’avoir dénoncée de manière proactive. « Ce n’est pas ma priorité maintenant», a-t-il dit. La relation entre Mme Moore et M. Kirkland avait fait l’objet d’un entrefilet dans le magazine satirique Frank. «Savoir qu’il y a une relation est une chose. Connaître les allégation­s précises [c’en est une autre]. »

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ADRIAN WYLD LA PRESSE CANADIENNE La députée abitibienn­e Christine Moore, à Ottawa

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