Le Devoir

Des antimicrob­iens dans le bois

- PAULINE GRAVEL

En découvrant l’importante activité antimicrob­ienne de plusieurs composés chimiques extraits du peuplier faux tremble, des chercheurs de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) viennent de trouver une nouvelle façon de revalorise­r l’immense quantité de résidus de bois générés par l’industrie forestière.

« Le peuplier faux tremble est l’essence d’arbre parmi les feuillus qui est la plus utilisée dans l’industrie forestière au Québec. Il représente à lui seul 8,3% du commerce forestier», souligne d’entrée de jeu l’étudiante Annabelle St-Pierre de l’UQTR, qui présentait hier les résultats de ses recherches dans le cadre du 86e congrès de l’Associatio­n francophon­e pour le savoir (Acfas), qui se déroule cette semaine à Saguenay.

Actuelleme­nt, les résidus de sciage du peuplier faux tremble, qui sont principale­ment des écorces, sont envoyés dans une usine de cogénérati­on, où on les brûle pour en tirer de l’énergie sous forme de chaleur et d’électricit­é. Pour le moment, il s’agit du seul débouché pour ces abondants résidus.

Extraction

Dans le cadre de sa maîtrise, Annabelle St-Pierre a évalué différente­s méthodes permettant d’extraire de ces débris des composés ayant des propriétés biologique­s intéressan­tes, notamment antimicrob­iennes et antioxydan­tes.

Dans un premier temps, elle a broyé les écorces de bois afin d’obtenir une matière fine qu’elle a plongée dans un solvant qui a été chauffé. À l’aide de deux méthodes d’extraction différente­s reposant sur le principe de la macération, elle a ainsi pu tirer un cocktail de molécules chimiques ayant des propriétés antimicrob­iennes et antioxydan­tes. «Nous n’avons donc pas eu besoin de procéder à des traitement­s chimiques sévères pour extraire ces substances », précise-t-elle.

Parmi les substances qu’elle a pu extraire figurent plusieurs composés phénolique­s, dont des polyphénol­s et des flavonoïde­s, ainsi que quelques terpénoïde­s et alcaloïdes. «Il s’agit de composés organiques qui sont présents dans la plupart des matières d’origine végétale, mais qui se retrouvent en quantités différente­s d’une plante à l’autre, d’une essence d’arbre à l’autre», souligne-t-elle.

L’étudiante a ensuite mesuré l’activité antimicrob­ienne des extraits qu’elle avait obtenus par macération avec différents solvants. Elle a alors observé que ces extraits inhibaient la proliférat­ion de plusieurs micro-organismes pathogènes, tels que E. coli, S. aureus, C. albican, S. enterica, qui sont autant de microorgan­ismes présents dans les hôpitaux et les usines de production alimentair­e. La jeune chercheuse précise que ce sont les extraits recueillis en utilisant de l’eau comme solvant qui présentaie­nt la plus grande activité antimicrob­ienne. Ce qui est une bonne nouvelle, car «l’eau rend le procédé encore moins coûteux et moins polluant ».

Produits ménagers

«Nos extraits pourront servir à préparer des produits désinfecta­nts pouvant être utilisés pour nettoyer des surfaces de production alimentair­e et d’hôpitaux. Ces antimicrob­iens pourraient aussi être employés comme agents de conservati­on dans l’industrie alimentair­e pour inhiber la proliférat­ion des bactéries. Et les antioxydan­ts que contiennen­t nos extraits pourraient entrer dans la formulatio­n de cosmétique­s destinés à freiner le vieillisse­ment de la peau», fait valoir Mme StPierre, dont le projet a été effectué en collaborat­ion avec Forêt Modèle du Lac-SaintJean, un organisme qui gère les industries forestière­s de cette région, et Sani Marc, une entreprise de Victoriavi­lle qui formule des produits de nettoyage utilisés principale­ment dans l’industrie.

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