Le Devoir

Alexandre Taillefer

Du taxi à l’autobus de campagne

- MARIE-MICHÈLE SIOUI Correspond­ante parlementa­ire à Québec

L’homme d’affaires, membre du Parti québécois (PQ) et ex-membre de la Coalition avenir Québec (CAQ) Alexandre Taillefer sera le président de campagne du Parti libéral du Québec (PLQ) en route vers l’élection d’octobre 2018, en dépit de ses prises de position contraires aux idées du parti et de sa mainmise sur deux médias québécois.

Dès la nomination de son amie Isabelle Melançon au poste de ministre de l’Environnem­ent, en octobre 2017, Alexandre Taillefer avait reconnu être en «position délicate», utilisant l’image des «condoms» pour illustrer la prudence dont il devait désormais faire preuve dans ses relations amicales avec l’élue.

Mais voilà: ses inquiétude­s et ses références aux objets hermétique­s ont disparu mercredi, quand il a confirmé qu’il s’impliquera dans la campagne du PLQ. «Pas du tout, je ne suis pas en conflit d’intérêts. Ce n’est pas un rôle où je suis élu, je ne me présente pas pour être ministre nulle part», a-t-il déclaré devant les micros de RDI. L’entreprene­ur n’a pas répondu à la demande d’entrevue du Devoir.

Alexandre Taillefer a appuyé financière­ment Jean-François Lisée lors de la course à la chefferie du PQ, parti dont il est toujours membre. Il a aussi été membre de la CAQ en 2014 et en 2015 et a fait des dons aux partis libéral et conservate­ur du Canada.

Il est aussi propriétai­re des magazines L’actualité et Voir, qui alimentent des sites Web au quotidien. Dans les pages de ce dernier, il a déjà formulé une critique virulente à l’endroit du PLQ. «Est-ce qu’en soutenant Isabelle Melançon, j’endosse de facto les politiques libérales d’austérité, la position hermétique des libéraux envers la hausse du salaire minimum à 15$ ou leurs compressio­ns en culture? Bien sûr que non», a-t-il écrit le 8 mai dernier.

Éthique et conflits d’intérêts

L’opposition a fait ses choux gras des prises de position d’Alexandre Taillefer qui tranchent avec les politiques libérales, à commencer par sa promotion active d’une réforme du mode de scrutin, à laquelle le PLQ a fermé la porte.

«En février dernier, il signait une lettre sur la réforme du mode de scrutin. […] J’ai hâte de le voir en débat avec la ministre [responsabl­e de la Réforme des institutio­ns démocratiq­ues, Kathleen] Weil», a lancé Nathalie Roy, de la CAQ.

La députée péquiste Agnès Maltais a soulevé des questions d’éthique au Salon bleu. «Étant donné qu’il est lobbyiste pour obtenir des subvention­s, pour obtenir des contrats, comment allez-vous réagir?» a-t-elle demandé. La stratégie a eu tôt fait de se retourner contre elle: Agnès Maltais faisait partie de ces élus péquistes qui défendaien­t bec et ongles l’intégrité de Pierre Karl Péladeau en dépit des questions soulevées par son double rôle de propriétai­re de médias et de candidat, puis d’élu.

«Eh mon Dieu!» lui a répondu le ministre Jean-Marc Fournier. «Quand je pense à notre collègue qui s’est tant et tant battue pour quelqu’un d’autre… Je ne commentera­i pas ici.»

Aux journalist­es, le ministre Fournier a exposé la différence entre un rôle au sein du parti et une candidatur­e à un poste électif. « Les gens qui deviennent membres du PLQ, je ne pense pas qu’ils mettent leurs fonds en fiducie sans droit de regard. Il ne devient pas député, il ne devient pas ministre », a-t-il déclaré à propos de M. Taillefer.

Pierre Moreau plus exigeant

À titre de président de campagne, Alexandre Taillefer aura notamment la responsabi­lité de mobiliser les militants à travers le Québec et pourrait faire office de porte-parole. Aura-t-il accès à des informatio­ns privilégié­es? «Honnêtemen­t, je ne connais pas ce à quoi il va avoir accès. Il va être membre de l’équipe de campagne, il n’est pas membre du gouverneme­nt», a répondu le ministre Fournier.

Le premier ministre s’est quant à lui contenté d’un «Ben, vous jugerez», lorsque les journalist­es lui ont demandé si Alexandre Taillefer pourrait utiliser ses médias pour influencer la campagne. Au sujet des prises de position de l’homme d’affaires, Philippe Couillard a dit «adore[r] le fait qu’on ait des opinions diverses dans notre groupe, sur divers sujets ».

Le ministre Pierre Moreau a été plus exigeant. « Il doit prendre toutes les mesures que tous ceux qui s’engagent en politique doivent prendre, c’est-à-dire être prudent et transparen­t, s’assurer qu’il n’y a pas de situation de conflits ou de situation apparente de conflits d’intérêts», a-t-il déclaré.

«Je ne pense pas qu’un mensuel soit en mesure d’avoir une influence sur une campagne qui se déroule sur une base quotidienn­e, a répliqué Alexandre Taillefer. La qualité des journalist­es que l’on a et leur rigueur ne peuvent pas être remises en question. »

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PEDRO RUIZ LE DEVOIR Alexandre Taillefer s’est d’abord fait connaître du grand public à l’émission Les dragons.

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