Le Devoir

Un élève de 6e semonce le ministre de l’Éducation

Cédric reproche à Sébastien Proulx son apparente indifféren­ce face à l’intimidati­on à l’école

- JESSICA NADEAU

Victime d’intimidati­on pendant des années, un élève de 6e année lance un cri du coeur. Depuis des années, ses parents et lui multiplien­t les démarches pour recevoir des «excuses» des adultes qui ont failli à la tâche de le protéger. Avec d’autres enfants, il a signé un manifeste, lancé une pétition et s’est rendu jusqu’à l’Assemblée nationale. Déçu de l’attitude du ministre, il vient de lui envoyer une lettre.

«Quand j’étais en 1re année, j’ai commencé à me faire exclure par les autres enfants parce qu’un garçon a dit que les Vietnamien­s mangent des chiens et qu’ils sont sales. J’ai fait comme on dit de le faire dans les règlements. J’ai suivi toutes les consignes. Ma mère a parlé avec [les responsabl­es de l’école]. Mais je continuais à me faire intimider. Ma mère a appelé au ministère de l’Éducation, mais personne ne nous a aidés là non plus. Tous les adultes à qui nous avons demandé de l’aide n’ont pas agi comme ils le promettaie­nt», écrit Cédric dans sa lettre au ministre.

Cédric a, depuis, changé d’école. Mais il a été blessé par l’inaction des adultes qui n’ont pas su faire cesser l’intimidati­on.

Il s’est rendu à l’Assemblée nationale le 1er mai dernier avec d’autres signataire­s du Manifeste des enfants contre l’intimidati­on, parrainé par les fondations du Dr Julien et Jasmin Roy. Ils ont déposé une pétition signée par plus de 600 personnes pour demander à Québec de se doter de mécanismes pour faire cesser l’intimidati­on.

Il existe pourtant, depuis 2012, une loi qui oblige toutes les écoles à se doter d’un plan de lutte contre l’intimidati­on. Mais les jeunes estiment que la réponse des écoles n’est pas toujours satisfaisa­nte.

Plusieurs experts confirment que l’applicatio­n des plans de lutte est «à géométrie variable» d’une école à l’autre. «Certaines écoles font très bien, alors que d’autres se contentent de faire le strict minimum, juste pour répondre aux exigences du ministère», explique Claire Beaumont, qui dirige la Chaire de recherche sur la sécurité et la violence en milieu éducatif.

Profitant de la présence des jeunes à l’Assemblée nationale, les trois partis d’opposition ont déposé une motion commune pour demander au gouverneme­nt de mettre en oeuvre les recommanda­tions des enfants. Le Parti libéral l’a refusée.

«Les enfants étaient vraiment déçus, confie Christine Gingras, mère d’une jeune victime, qui avait fait le voyage à Québec avec eux. Ça se voulait réparateur pour les jeunes, mais ils sont ressortis blessés de voir que le ministre s’en lave les mains. »

Sébastien Proulx a bien «salué le courage des jeunes», mais a renvoyé la balle dans la cour des écoles.

«C’est dans les écoles que se passent ces événements […] et c’est dans les écoles qu’on doit travailler pour les enrayer et les prévenir, a répondu le ministre. Ce n’est pas ici, à l’Assemblée nationale, qu’on va établir les guides, c’est dans les écoles qu’on va faire ce travail. »

Le ministre a reconnu qu’il y avait «encore de l’accompagne­ment à faire» dans les milieux scolaires et affirmé qu’il était «souhaitabl­e que le ministère de l’Éducation puisse rencontrer [le Dr Julien et Jasmin Roy] pour discuter de ces situations».

Pour Cédric, ce n’était pas suffisant. Il a pris la plume dès le lendemain pour demander des excuses au ministre. «Je n’ai jamais eu d’explicatio­ns pourquoi les adultes n’ont pas fait ce qu’ils disaient qu’ils allaient faire. Hier, vous n’avez pas appuyé notre démarche. Est-ce que ça veut dire que je n’aurai jamais d’explicatio­n? Est-ce que ça veut dire que personne ne s’assurera que les adultes qui ne m’ont pas protégé n’auront pas de conséquenc­es ? »

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