De mauvais plis dès la sixième année
De nombreux jeunes Montréalais présentent des facteurs de risque au primaire
Passer plusieurs heures par jour devant un écran, bouder le sport, manger des sucreries ou de la malbouffe, vivre de la violence à l’école, trop peu dormir: dès la sixième année, de nombreux jeunes Montréalais présentent ces facteurs de risque qui peuvent non seulement nuire à leur santé, mais aussi à leur réussite scolaire.
Une enquête inédite de la santé publique de la métropole montre que ce fardeau est encore plus lourd pour les jeunes des milieux les plus défavorisés, dont 8% sont déjà à risque de décrocher à 11 ou 12 ans.
«Un mode de vie sain a un impact sur la réussite éducative et le bien-être du jeune à court terme», souligne la Dre Mylène Drouin en entrevue. C’est pourquoi celle qui vient tout juste d’être nommée directrice de la santé publique de Montréal fait de la jeunesse une de ses grandes priorités. Données en main, elle souhaite que «rapidement, on se mobilise pour ce groupe d’âge, dans chaque quartier».
Selon l’indice de décrochage scolaire mesuré par l’enquête, 8% des jeunes de sixième année des quartiers les plus défavorisés sont déjà à risque de décrochage. C’est seulement 2% dans les quartiers les plus favorisés. « La différence entre 3000 jeunes dans chacun des quartiers, c’est que d’un côté, 60 sont à risque élevé de décrocher, contre 250 de l’autre. On a un gradient qui de toute évidence nous inquiète et on doit travailler avec le milieu scolaire pour y répondre», lance la Dre Drouin au Devoir.
L’enquête met au jour plusieurs faits préoccupants. Par exemple, 14 % des jeunes ne déjeunent pas. Plus de 60% mangent trop peu de fruits et de légumes et 15% consomment des boissons sucrées ou d’autres grignotines pauvres sur le plan nutritionnel tous les jours. La sédentarité touche 65% des jeunes. Le quart dort trop peu.
Ce qui n’est peut-être pas étranger au fait que 40% passent plus de deux heures par jour devant un écran, la semaine. Même que 19 % y consacrent plus de quatre heures… Et ceci exclut l’utilisation scolaire.
De plus, ce sont 46% des jeunes qui ont subi une forme de violence à l’école ou de la cyberintimidation au cours de l’année scolaire de l’enquête.
Seulement 2,7% des jeunes de cet âge ont déjà fumé la cigarette, mais 20% ont déjà bu de l’alcool, dont 5% à plus d’une reprise.
«Le gradient socio-économique se reflète à travers l’ensemble des habitudes de vie, c’est un gros enjeu », constate la directrice de la santé publique. Dans les milieux les moins favorisés, les jeunes sont plus nombreux à avoir une faible estime d’eux-mêmes, à consommer des boissons sucrées ou de la malbouffe, à être sédentaires et à passer plus de 4 heures par jour devant un écran la semaine.
En plus, 68% des jeunes dans ces milieux défavorisés n’ont pas accès à un médecin de famille ou à un pédiatre.
Et les solutions?
Parmi les actions possibles, la nouvelle directrice de la santé publique appuie l’idée de taxer les boissons sucrées, à condition que la mesure s’accompagne d’autres initiatives. Par exemple, on peut faire la promotion… de l’eau!
L’enquête met aussi en lumière des inégalités entre les sexes. Les garçons sont plus souvent victimes de violence à l’école, et plus nombreux à déclarer avoir eux-mêmes eu des comportements violents. Les filles sont peu actives physiquement. Dès la sixième année, 71% des filles bougent trop peu, contre 59% des garçons. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande 60 minutes d’activité physique quotidienne pour ce groupe d’âge.
«Lorsque la journée d’école se termine à 15h, il faut comprendre pourquoi un grand nombre de jeunes ne participe pas aux activités, notamment sportives, qui sont offertes. Il faut aller les chercher pendant cette tranche horaire», croit la Dre Drouin. Les activités doivent être accessibles et adaptées pour les garçons et les filles.
Autre donnée qui attire l’attention: si les jeunes se sentent soutenus au sein de leur famille ou de leur cercle amical, il n’en est pas de même à l’école. Seulement 54% — et 51% chez les garçons — se sentent soutenus par le milieu scolaire. La Dre Drouin croit qu’il y a là une piste d’action concrète à explorer.
La Direction de la santé publique de Montréal dévoilait jeudi les résultats de son enquête. Presque tous les jeunes de l’île qui étaient en sixième année au printemps 2017, soit 13 380 élèves de 11 et 12 ans, ont répondu à un questionnaire, de même que la majorité de leurs parents.
68% des jeunes dans les milieux défavorisés n’ont pas accès à un médecin de famille ou à un pédiatre