Le Devoir

L’Accord de Paris encore loin de prendre vie

Les enjeux litigieux doivent être réglés d’ici la COP24, prévue pour décembre

- AMÉLIE BOTTOLLIER-DEPOIS à Bonn

Encore loin du compte : près de 200 pays réunis à Bonn se sont séparés jeudi sans avancée majeure vers l’objectif de donner vie à l’Accord de Paris sur le climat, se fixant même une séance de rattrapage en septembre.

Le pacte climatique de 2015 vise à contenir le réchauffem­ent mondial sous les 2°C, voire 1,5°C, par rapport à l’ère préindustr­ielle.

Mais pour pouvoir entrer en applicatio­n en 2020, il a encore besoin d’un mode d’emploi : les règles pour mesurer et évaluer les engagement­s des États à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.

Que comptabili­ser dans les actions climat? Comment en rendre compte? Les pays du Nord doivent-ils offrir plus de «prévisibil­ité» à ceux du Sud qui ont besoin des milliards promis pour mettre en place leurs politiques climat ?

Ces questions épineuses doivent être résolues au plus tard lors de la 24e Conférence climat de l’ONU (COP24) en décembre à Katowice, en Pologne).

Mais en onze jours de lentes négociatio­ns à Bonn, «nous n’avons pas été à la hauteur de ce qui était espéré», a commenté la négociatri­ce de l’UE, Elina Bardram.

«Nous sommes déçus», a renchéri l’Éthiopien Gebru Jember Endalew, soulignant que le groupe des pays les moins avancés qu’il représente s’inquiétait d’une «absence de sentiment d’urgence» alors que les effets du changement climatique se font déjà sentir.

Pour augmenter les chances de faire de cette année cruciale un succès, une session additionne­lle a été programmée début septembre à Bangkok.

L’apparente technicité des discussion­s ramène en réalité le plus souvent aux tensions récurrente­s entre pays du Nord et du Sud et au nerf de la guerre : l’argent.

Silence radio

Les pays développés se sont engagés à porter à 100 milliards de dollars par an d’ici 2020 le soutien aux politiques climatique­s des plus pauvres, pour qu’ils puissent s’adapter aux impacts dévastateu­rs du changement climatique et eux aussi réduire leurs émissions de CO2.

«Le silence radio sur l’argent fait craindre aux pays pauvres que leurs partenaire­s plus riches ne soient pas sincères concernant leurs promesses», a commenté jeudi Mohamed Adow, de l’ONG Christian Aid.

Des inquiétude­s d’autant plus grandes que le président américain, Donald Trump, a coupé certaines aides climat en parallèle au retrait annoncé de l’Accord de Paris.

«Si certains progrès ont été faits à Bonn sur plusieurs sujets techniques, des différence­s politiques majeures demeurent sur quelques questions, en particulie­r la finance climat et le degré de différenci­ation entre les pays à divers stades de développem­ent », a souligné Alden Meyer, un observateu­r de longue date des négociatio­ns.

Certains pays émergents comme la Chine souhaitera­ient ainsi que certaines règles qui s’appliquera­ient aux pays riches soient assouplies pour eux et surtout les pays les moins développés.

En parallèle aux travaux sur le mode d’emploi de l’Accord, un dialogue politique a été lancé par la présidence fidjienne pour encourager les pays à présenter d’ici 2020 des engagement­s de réduction des émissions révisés.

Les engagement­s nationaux actuels conduiraie­nt à un monde à +3°C, avec son lot annoncé de sécheresse­s, d’ouragans et de territoire­s submergés par l’augmentati­on du niveau de la mer.

«Avec le temps, des milliards de personnes supplément­aires vont se retrouver en première ligne […]. Le temps presse: s’il vous plaît, faites preuve du leadership dont le monde a désespérém­ent besoin», a plaidé mercredi devant les délégués le premier ministre fidjien, Frank Bainimaram­a.

Certains espèrent voir dès la COP24 des États signaler qu’ils sont prêts à faire plus. Mais «ce n’est pas réaliste d’espérer qu’il y ait à Katowice une avalanche d’annonces d’ambitions relevées», a tempéré Elina Bardram.

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