Le Devoir

Faire le minimum

La ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, a rendu publiques les lignes directrice­s qui accompagne­nt la loi «62» encadrant les demandes d’accommodem­ents religieux. Énoncées de façon pédagogiqu­e, elles reprennent scrupuleus­ement les critères et la démarc

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L ’article 11 de la loi sur la neutralité religieuse et les accommodem­ents religieux prévoit déjà que l’accommodem­ent ne doit pas imposer une contrainte excessive à l’organisme public. C’est un principe tiré directemen­t d’une décision de la Cour suprême. La Loi affirme le droit à l’égalité entre les femmes et les hommes et celui de toute personne d’être traitée sans discrimina­tion; cela va de soi. On dit souvent que le législateu­r ne parle pas pour ne rien dire. Or, dans le cas des demandes d’accommodem­ent, ni la loi ni les lignes directrice­s n’ajoutent quoi que ce soit à la jurisprude­nce en la matière.

Il en est de même pour les lignes directrice­s qui indiquent que la demande d’accommodem­ent nécessite une évaluation personnali­sée et qu’elle doit émaner d’une croyance sincère, autres critères énoncés par la plus haute Cour.

«Les lignes directrice­s ne visent pas à déterminer ce qui est acceptable ou ce qui n’est pas acceptable», a déclaré la ministre en conférence de presse. Deux commission­s scolaires, pour des cas similaires, pourront prendre des décisions contradict­oires. «C’est parce que la demande est formulée par deux personnes différente­s, dans des circonstan­ces différente­s et dans un environnem­ent différent », a expliqué Stéphanie Vallée.

Toute la mécanique des accommodem­ents raisonnabl­es, qui découle de l’applicatio­n des chartes des droits et libertés, est là. C’est une personne, individuel­lement, qui peut faire l’objet de discrimina­tion et c’est à une personne, dans ses circonstan­ces particuliè­res, que l’on consent un accommodem­ent.

Ceux qui croient que le droit à l’égalité entre les femmes et les hommes, réitéré dans la Loi, signifie que les signes religieux qui asservisse­nt les femmes, comme la burka et le niqab, pourront être interdits se leurrent. En fait, c’est tout le contraire: il serait discrimina­toire d’empêcher une femme de porter ces signes féminins.

Chaque fois, le membre du personnel, ou le «répondant», et ultimement « la personne qui exerce la plus haute autorité administra­tive» au sein de l’organisme public, devra trancher un cas particulie­r, un peu comme le ferait un juge. La foi, comme la bonne foi, se présume ; l’employé de l’État devra présumer que la croyance du demandeur est sincère. Il aura aussi à interpréte­r la notion de « contrainte excessive ».

Pour ne citer que leur exemple, les commission­s scolaires, qui sont appelées à traiter nombre de demandes d’accommodem­ents religieux, auraient voulu obtenir davantage que des lignes directrice­s. Elles ont d’ailleurs tenté d’élaborer, avec le ministère, un guide qui aurait décrit concrèteme­nt les accommodem­ents qu’il faut ou non accorder, mais le projet n’a pas abouti.

Il faut dire que cette logique du cas par cas, chère aux magistrats, s’accommode mal du cadre cartésien sur lequel reposent les décisions administra­tives. Les organismes publics préfèrent suivre des règles qui s’appliquent de la même façon à tout le monde dans les mêmes circonstan­ces.

Avec le projet de loi 62, le gouverneme­nt Couillard a voulu faire le minimum. Avec ces lignes directrice­s, il ne fait pas autrement. Les organismes publics ne sont guère plus avancés. Ils devront se débrouille­r.

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ROBERT DUTRISAC

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