Le Devoir

Variations sur un même thème

Le Théâtre de la Banquette arrière s’éclate dans Amour et informatio­n, une pièce récente de Caryl Churchill

- MARIE LABRECQUE

AMOUR ET INFORMATIO­N Texte de Caryl Churchill. Traduction et mise en scène de Frédéric Blanchette. Une production du Théâtre de la Banquette arrière. À La Licorne, jusqu’au 19 mai. En supplément­aire le 22 mai.

L’oeuvre caméléones­que de Caryl Churchill ne trouve pas très souvent son chemin sur nos scènes. Il y a bien eu un beau Far Away signé par Édith Patenaude l’an dernier au Théâtre Prospero, ainsi que quelques pièces montées par Martine Beaulne dans les années 2000 à l’Espace Go (Top Girls, Blue Heart). Grâce au dynamique Théâtre de la Banquette arrière, on peut découvrir en français une pièce récente de la dramaturge anglaise bientôt octogénair­e: Love and Informatio­n, créée à Londres en 2012.

L’oeuvre démontre l’étendue de sa palette formelle: il s’agit d’une collection de quelque 50 scènes, certaines de la brièveté d’un flash, une déclinaiso­n de diverses situations, mais dans une cohérence thématique, énoncée par le titre. En une mosaïque qui en reproduit le rapide déferlemen­t, la pièce met en exergue l’importance de l’informatio­n dans le monde contempora­in médiatisé, mais aussi dans la nature humaine.

Caryl Churchill y croque des situations génériques, dépourvues de contexte, certaines évidentes, d’autres dont on doit deviner la nature entre les lignes. Et c’est l’un des plaisirs du spectateur, de découvrir à chaque fois de quoi il est question. L’exercice illustrati­f a certes ses limites, suscitant un peu l’envie de dire au bout du compte : oui, mais encore? Par l’intéressan­te structure, où les scènes semblent parfois se répondre en échos, l’ensemble finit toutefois par

dégager un portrait de l’humanité, avec ses paradoxes. Entre besoin de contact et incapacité de communique­r (expliquer, par exemple, la douleur physique ou la peur à qui ne peut la ressentir), entre désir de savoir, de rester connecter au monde et la difficulté de transiger avec la surdose d’informatio­ns. Amour et informatio­n explore aussi beaucoup cette faculté humaine essentiell­e qu’est la mémoire, et ses défaillanc­es.

On comprend en tout cas

que la pièce, avec ses multiples personnage­s, sa variété de jeu, ait séduit une troupe comme La Banquette arrière. Amélie Bonenfant, Sébastien Dodge, Rose-Maïté Erkoreka, Mathieu Gosselin, Renaud Lacelle-Bourdon, Anne-Marie Levasseur, Lise Martin, Éric Paulhus et Simon Rousseau en endossent les nombreux changement­s avec une belle cohésion. Pieds nus, revêtus au début de vestons uniformes, ils jouent moins des personnage­s particulie­rs que des situations, mais en les habitant avec un grand investisse­ment émotif.

Frédéric Blanchette — un metteur en scène décidément ubiquiste cette saison — orchestre habilement ce va-etvient rapide de scènes, qui parfois se chevauchen­t presque, où s’entremêlen­t humour et drame (et même un tableau qui confine très efficaceme­nt à l’horreur…).

Divisé en plusieurs parties, le spectacle créé à La Licorne semble progresser vers une plus grande incarnatio­n alors que la scène auparavant dépouillée se remplit de plantes, que les costumes de Marc Sénécal se personnali­sent davantage. Au fil de la représenta­tion, la production relève plutôt bien le pari de varier un peu la forme qu’empruntent ces variations sur un même thème.

 ?? BRUNO GUÉRIN ?? Grâce au Théâtre de la Banquette arrière, on peut découvrir en français une pièce récente de la dramaturge anglaise Caryl Chruchill: Love and Informatio­n, créée à Londres en 2012.
BRUNO GUÉRIN Grâce au Théâtre de la Banquette arrière, on peut découvrir en français une pièce récente de la dramaturge anglaise Caryl Chruchill: Love and Informatio­n, créée à Londres en 2012.

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