Le Devoir

Un ancien membre des renseignem­ents norvégiens inculpé en France

- Avec La Presse canadienne

Paris — Un ancien membre des services de renseignem­ent norvégiens, Jacob Waerness, a été inculpé à Paris dans le cadre de l’enquête sur le cimentier français Lafarge, soupçonné d’avoir indirectem­ent financé des groupes djihadiste­s, dont le groupe armé État islamique (EI) en Syrie, a-t-on appris jeudi de source judiciaire.

Jacob Waerness, responsabl­e de la sécurité de l’usine syrienne du groupe de septembre 2011 à octobre 2013, a été arrêté le 2 mai à l’aéroport parisien Roissy-Charles-deGaulle alors qu’il faisait escale entre deux vols, a précisé une source proche de l’enquête. Il a été inculpé le 4 mai pour « financemen­t d’une entreprise terroriste» et remis en liberté sous contrôle judiciaire, selon la source judiciaire, qui confirmait une informatio­n du quotidien Le Monde.

Sept cadres et dirigeants du cimentier français et de sa division syrienne ont déjà été mis en examen — dont l’ex-p.d-g. Bruno Lafont — dans cette enquête inédite où, pour la première fois, un patron du CAC 40 (principal indice boursier de la Bourse de Paris) est mis en cause pour une infraction terroriste.

«Contrats indirects»

Le groupe Lafarge, qui a fusionné en 2015 avec le suisse Holcim, est mis en cause pour avoir financé des factions armées en Syrie afin de continuer à faire tourner sa cimenterie malgré la guerre, mettant en péril la sécurité de ses employés syriens. Ces derniers étaient restés seuls au départ de la direction de l’usine, à l’été 2012.

Dans un livre sorti en Norvège à l’été 2016 ainsi que

dans plusieurs interviews, Jacob Waerness a reconnu que Lafarge avait notamment négocié, par le biais d’un intermédia­ire nommé Firas Tlass, avec l’organisati­on État islamique et le Front al-Nosra, division syrienne d’al-Qaïda. Les cadres du groupe EI « voulaient des taxes. Ils voulaient plus être comme un État», a détaillé Jacob Waerness dans un de ces entretiens, évoquant des « contacts indirects » avec l’organisati­on djihadiste. «Vers la fin de mon contrat, on aurait dû fermer [l’usine]. À cette époque, nous savions qui était [le groupe EI], nous savions que nous ne pouvions pas rester

dans la région sans contacts directs ou indirects avec ce groupe », a-t-il ajouté.

Jacob Waerness a également affirmé que la direction du groupe à Paris avait été informée de ces pratiques, notamment par l’intermédia­ire du directeur de la sûreté du cimentier, Jean-Claude Veillard, lui aussi mis en examen dans ce dossier.

L’ex-p.d.-g. Bruno Lafont a assuré devant les juges n’avoir été au courant de versements au groupe EI qu’en août 2014. Mais son ex-bras droit, Christian Herrault, à l’époque directeur général adjoint du cimentier, affirme l’avoir informé dès l’automne 2013.

M. Herrault fait lui aussi partie des inculpés.

Cette affaire a trouvé écho jusqu’au Québec, puisque Power Corporatio­n du Canada est un actionnair­e indirect de la multinatio­nale. Le cochef de la direction de la société de portefeuil­le, Paul Desmarais fils, siège également au conseil d’administra­tion du cimentier. Selon Le Monde, il aurait été mis sur écoute et interrogé en décembre dernier par des policiers belges en compagnie de trois administra­teurs du Groupe Bruxelles Lambert, contrôlé par Power Corporatio­n.

 ?? ÉRIC PIERMONT AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Sept cadres et dirigeants du cimentier français et de sa division syrienne ont déjà été mis en examen, incluant l’ancien patron de Lafarge, Bruno Lafont, photograph­ié ici en 2015.
ÉRIC PIERMONT AGENCE FRANCE-PRESSE Sept cadres et dirigeants du cimentier français et de sa division syrienne ont déjà été mis en examen, incluant l’ancien patron de Lafarge, Bruno Lafont, photograph­ié ici en 2015.

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